Langage, langue et parole

Dans l’ensemble des manifestations du langage, il faut distinguer ce qui relève de l’action individuelle, variable, unique, imprévisible, que Saussure nomme la parole, de ce qui est constant, commun aux sujets parlants, la langue. Le langage, selon Saussure, se compose donc de la langue et de la parole, comme le montre la figure ci-dessous :

 

 

                                                                       Langue

Langage

 

                                                                          Parole                                 

 

                                               

 

 

 

 

 

Opposée à la parole, la langue est un phénomène social, le code commun à tous les membres d’une communauté linguistique (bien qu’il ne soit jamais totalement représenté chez un individu), une pure passivité (un « trésor » déposé chez les sujets). La langue, enfin, est essentielle, nécessaire à la parole, qui à cet égard lui est accessoire.

 

Linguistique externe et interne

Saussure reproche à ses prédécesseurs d’avoir une vision éclatée de la langue, de la concevoir comme une simple nomenclature, une liste d’éléments renvoyant individuellement et de manière indépendante à des objets du monde :

 

 

 

 

 

 

La langue comme nomenclature

Selon cette conception, qui envisage les termes de langue séparément les uns des autres, indépendamment des liens qui les relient, connaître une langue, ce serait connaître les noms permettant de désigner les objets du monde, l’organisation des objets dictant celle des mots.

À cette conception, Saussure oppose celle selon laquelle la langue est un tout organisé (ou système), à l’intérieur duquel chaque terme est défini par les relations qu’il entretient avec tous les autres.

 

Système :

Un système au sens structuraliste est un ensemble homogène d’éléments, dont chacun est déterminé, négativement ou différentiellement, par l’ensemble des rapports qu’il entretient avec les autres éléments.

 

Ainsi conçue, la langue peut donner lieu à deux types d’étude. D’un côté, elle peut être mise en relation avec des faits qui lui sont extérieurs (historiques, politiques, sociaux, etc.). Une telle linguistique est une linguistique externe. À l’inverse, une linguistique interne de la langue s’intéresse à ce qui est inhérent au système, à ce qui est susceptible, à un degré quelconque, de changer le système.

 

 

Linguistique synchronique et diachronique

 

Enfin, les différentes langues se caractérisent selon Saussure par leur caractère à la fois stable et instable : d’un côté, toute langue évolue, et d’un autre, elle est toujours, dans la conscience des sujets parlants, dans un certain état.

 

Saussure est amené à poser une nouvelle dichotomie importante, distinguant l’étude synchronique de l’étude diachronique de la langue.

Le point de vue synchronique, que l’on peut représenter (figure ci-dessous) comme une relation entre deux points appartenant à une même époque (A-B), s’intéresse à saisir la langue telle qu’elle se présente à un moment donné virtuellement pour toute la communauté linguistique, c’est-à-dire un état de langue. Le point de vue diachronique privilégie, pour l’étude d’un fait  particulier, le passage d’une époque à l’autre (ici passage de C à D). Les relations selon l’axe A-B sont des relations de simultanéité, celles de C-D des relations de successivité :

 

 

 

 

 

 

 

                                      Axes synchroniques et diachroniques

La langue comme système de signes

Si la langue est un système, quels en sont les éléments ? Pour Saussure, la notion de mot, ambiguë et floue , doit être rejetée au profit du terme de signe. Le « véritable objet de la linguistique est l’étude, interne et synchronique, des systèmes de signes que constituent les états de langue ».

 

Signe, signifiant, signifié

 

Contrairement à ce que suggère la conception de la langue comme nomenclature, qui saisit, séparément les uns des autres, les termes de la langue dans leur lien avec la réalité extralinguistique, « le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique ». Concept et image acoustique sont pour Saussure des entités psychiques, non matérielles. Le signe linguistique est donc une entité psychique, à deux faces, inséparables l’une de l’autre comme le sont les deux faces d’une feuille de papier, et dont aucun des termes ne peut exister sans l’autre (figure ci-dessous). Comme la notion de signe ne s’applique pas seulement au code linguistique oral mais à tout système de signes, Saussure préférera utiliser les termes de signifiant (pour image acoustique) et de signifié (pour concept).

 

 

 

 

 

Le signe linguistique

Modifié le: Wednesday 27 January 2021, 14:28