Fait social

Émile Durkheim explique ce qu’il entend par « fait social » dans le chapitre premier de son ouvrage Les règles de la méthode sociologique (1894), chapitre qu’il a fort justement intitulé « Qu’est-ce qu’un fait social ? ». Il remarque que l’on a pour habitude d’employer couramment cette expression « pour désigner à peu près tous les phénomènes qui se passent à l'intérieur de la société ». Or, pour Durkheim, toute activité humaine ne peut pas être qualifiée de fait social. On peut d’abord raisonner par soustraction : un phénomène relevant d’autres disciplines (et donc ne relevant pas de la sociologie) ne peut pas être considéré comme un fait social. Ainsi, les activités de boire, dormir, manger et raisonner ne sont pas des faits sociaux puisqu’ils relèvent « de la biologie et de la psychologie ». Mais cette définition par soustraction n’est pas suffisante. Durkheim propose alors de définir le fait social comme un phénomène qui existe « en dehors » de l’individu  plus précisément, au niveau social  et qui, de ce fait, s’impose à lui. Il donne alors plusieurs exemples : « les croyances et les pratiques de sa vie religieuse, le fidèle les a trouvées toutes faites en naissant ; si elles existaient avant lui, c'est qu'elles existent en dehors de lui. Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaies que j'emploie pour payer mes dettes, les instruments de crédit que j'utilise dans mes relations commerciales, les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc., fonctionnent indépendamment des usages que j'en fais. Qu'on prenne les uns après les autres tous les membres dont est composée la société, ce qui précède pourra être répété à propos de chacun d'eux. Voilà donc des manières d'agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu'elles existent en dehors des consciences individuelles. // Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l'individu, mais ils sont doués d'une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s'imposent à lui, qu'il le veuille ou non. » Outre les exemples que Durkheim donne (les croyances religieuses, le langage, le système monétaire, les pratiques professionnelles, règles juridiques, règles morales), on peut citer la famille nucléaire, le salariat (Échaudemaison, 1989, 2003), etc.

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