4. Le roman et ses formes

4.1. Esthétique du roman

Un style en prose

La prose est aujourd'hui considérée comme une caractéristique indiscutable du roman, marquant une rupture avec les origines du genre, souvent associées à la poésie et à l'épopée. Pourtant, cette prose peut être poétique, ce qui brouille les frontières entre prose et poésie, surtout dans la littérature moderne où cette distinction est parfois abolie.

Le domaine de la fiction

Huet et Littré parlaient d'« histoire feinte » et Robert d'« œuvre d’imagination », indiquant que le roman n'est pas un récit de faits authentiques, comme le journalisme ou l'histoire. Cependant, cette démarcation n'est pas si nette. De nombreux romans mélangent réalité et fiction, comme dans le « roman historique » où des événements réels s'entremêlent avec des récits inventés. Par exemple, dans _L'Été 1914_ de Roger Martin du Gard, l'assassinat de Jaurès est raconté avec précision, mais d'autres parties de l'histoire sont fictives. De plus, juger de la « vérité » d'un roman uniquement par son sujet serait réducteur, car cela reviendrait à classer _Crime et Châtiment_ comme un simple roman policier ou _L'Espoir_ comme un reportage journalistique. Le dictionnaire Robert reconnaît cependant que les personnages du roman sont « donnés comme réels ». Notons également que le terme "fiction" peut s'appliquer au théâtre ou à la poésie, ce qui complique davantage la définition du genre. Pour éviter l'ambiguïté, l'anglais utilise deux termes distincts : « novel », pour une fiction proche de la réalité, et « romance », pour des œuvres où l'imagination prédomine.

L'illusion du réalisme

Indépendamment de son sujet, le roman, depuis le XVIIIe siècle, tend à reproduire un monde réel avec des événements plausibles, contrairement à d'autres formes narratives comme l'épopée ou le conte, ou encore la poésie. Pour les Anglo-Saxons, le roman prend vraiment son essor avec _Robinson Crusoé_ (1714), un récit qui incarne le désir de réalisme et sert de modèle au genre.

La présence de personnages

Les personnages jouent un rôle central dans la structure des récits. Autrefois typiques et conventionnels, ils se sont progressivement singularisés et ont gagné en complexité au fil du temps, perdant progressivement leur aspect héroïque. Même si certains mouvements littéraires, comme le nouveau roman, ont remis en question la centralité des personnages, la nécessité d'avoir des figures narratives reste forte. Les critiques contre les personnages visaient surtout les excès de la psychologie, plutôt que l'idée même du personnage.

La description

Le dictionnaire Robert évoque le « milieu » où les personnages évoluent, soulignant ainsi l'importance de la description dans la représentation du contexte du récit. Si la description était absente des premières formes narratives centrées sur l'action, elle est devenue un moyen d'authentifier le récit et d'enrichir la narration par des détails visuels. La tradition réaliste du XIXe siècle a adopté la description pour renforcer la mission mimétique de l'art. Zola, dans _Le Roman expérimental_, indique que la description doit « compléter et déterminer » le monde, non pas simplement être une décoration rhétorique.

Il faut également considérer d'autres critères qui manquent souvent dans les définitions traditionnelles du roman. Par exemple, la fonction de « raconter une histoire » peut sembler évidente, mais elle rappelle que le roman est un sous-genre du récit, caractérisé par un enchaînement d'événements. De plus, le "romanesque", qui introduit des éléments suscitant l'émotion et l'imagination, joue un rôle clé dans le genre et le distingue des autres formes narratives.