Le genre narratif

الموقع: Plateforme pédagogique de l'Université Sétif2
المقرر: ET-HALLAL
كتاب: Le genre narratif
طبع بواسطة: Visiteur anonyme
التاريخ: Sunday، 19 May 2024، 7:27 AM

1. Les fondements de la narration

Avant de parler spécifiquement du roman, un genre apparu relativement tard, il faut aborder le concept de narration, auquel le roman appartient. Aristote, dans sa "Poétique", différencie deux types de mimésis : le dramatique, où les personnages agissent directement, et le narratif, où un narrateur raconte l'action. Cette distinction introduit des variations de degré entre ces deux modes, influencées par le point de vue utilisé, que ce soit à la première ou à la troisième personne.

Il faut rappeler qu'Aristote se concentre uniquement sur les œuvres en vers, particulièrement celles qui mettent en scène des actions humaines ou des personnages humains. Cela peut sembler éloigné des formes narratives modernes, mais cela fournit des bases pour comprendre le genre narratif. Voici quelques caractéristiques qui définissent ce genre :
- Une représentation indirecte, médiatisée par un narrateur, contrairement au théâtre où l'action est directement présentée.
- La présence d'une voix narrative implicite, celle du narrateur.
- Une variabilité dans l'énonciation selon que le narrateur parle en son propre nom ou s'exprime à travers les paroles d'un personnage.

Platon, dans "La République" (393d-394c), introduit une distinction supplémentaire, que nous pourrions interpréter comme une différenciation entre les types de narration :
- Le narratif pur, sans dialogues, représenté par le dithyrambe.
- Le narratif mixte, qui alterne récit et dialogues, comme dans l'épopée.

Aristote, quant à lui, ne retient pas cette distinction, considérant le narratif mixte comme une partie du genre narratif plus large. Selon lui, la triade de Platon (narratif, mixte, dramatique) devient un système binaire (narratif et dramatique), car le narratif pur n'est plus reconnu comme un genre distinct, tandis que le narratif mixte devient le seul type de narration.

Une autre différence de point de vue entre Platon et Aristote concerne le statut de la mimésis. Pour Platon, dans "La République", la mimésis implique que le poète s'efface pour donner l'illusion d'une imitation parfaite, comme au théâtre. Si le poète raconte en son nom sans dialogues, c'est de la diégésis. Aristote, en revanche, considère que toute création littéraire qui représente des actions est mimétique par nature.

Un point sur lequel les deux philosophes s'accordent est le rôle d'Homère comme exemple majeur du mode narratif, mettant en avant l'épopée comme un type particulier de narration.

2. L’épopée et le genre épique

Dans le chapitre V de sa "Poétique", Aristote analyse l'épopée, précisant qu'elle n'est pas structurellement distincte de la tragédie. Cependant, des différences subsistent, notamment en ce qui concerne le mode de récit et la contrainte temporelle :
"L’épopée est semblable à la tragédie en ce qu'elle imite des hommes nobles dans un récit versifié. Mais elle se distingue par son usage d'un seul mètre et son approche narrative. De plus, elles diffèrent par leur longueur : la tragédie cherche à se dérouler dans le temps d'une journée ou s'en rapproche, tandis que l'épopée n'a pas de limite temporelle." (Poétique, 1449b)
À partir de ces observations, on peut identifier les caractéristiques principales de l'épopée :
- Un niveau élevé ou un mode "supérieur", mettant en scène des personnages nobles, comme dans la tragédie.
- L'utilisation d'une versification régulière.
- Un format narratif où l'action est racontée plutôt que représentée.
- Une ampleur significative, avec une longue durée.
- Une liberté dans l'utilisation du temps.

Deux autres critères sont également mentionnés par Aristote :
- La pluralité d'actions : "Je qualifie d'agencement épique celui qui comporte plusieurs histoires" (1456a).
- L'utilisation de l'irrationnel : "L’épopée accepte davantage l'irrationnel car c'est un excellent moyen de susciter la surprise, d'autant plus que les personnages ne sont pas vus directement" (1460a).

L'origine du mot "épopée" apporte une première compréhension. Il provient du grec "épopoia", constitué de "épos" (signifiant "parole exprimée") et d'un dérivé de "poïen" (signifiant "faire" ou "créer"). En conséquence, on peut affirmer :
"L'épopée est la mise en forme d'une parole primordiale exprimée par les premiers poètes, qui raconte la genèse et révèle les vérités du monde."
(D. Madelénat, art. "Épopée", dans J.-P. de Beaumarchais, D. Couty, A. Rey [dir.], Dictionnaire des littératures de langue française.)

En tant que texte fondateur, l'épopée prend ses racines dans l'histoire d'une nation, souvent riche en mythes et légendes. Cependant, au fil du temps, cette narration s'est déplacée vers la légende et l'imaginaire merveilleux. Après Boileau, l'abbé Batteux, un théoricien du XVIIIe siècle, définit l'épopée comme un "récit poétique d'une action héroïque et merveilleuse", anticipant les définitions modernes comme celle du dictionnaire Robert :
"Long poème où le merveilleux se mêle au réel pour célébrer un héros ou un grand exploit."

Les exemples classiques d'épopées incluent l'"Iliade" et l'"Odyssée", mais aussi des œuvres plus anciennes comme "L'Épopée de Gilgamesh", qui relate les aventures du roi Gilgamesh, régnant sur la cité sumérienne d'Uruk (vers 1900-1600 av. J.-C.). Plus tard, au VIe siècle, apparaissent les épopées indiennes comme le "Mahâbhârata" (plus de 400 000 octosyllabes) et le "Râmâyana" (près de 100 000 vers). D'autres épopées suivent, venues d'Angleterre, d'Islande, d'Allemagne, ainsi que les grandes productions italiennes et portugaises, telles que "La Divine comédie" de Dante, "Le Roland Furieux" de l'Arioste, "La Jérusalem délivrée" du Tasse, et "Les Lusiades" de Camoëns.

2.1. Esthétique de l’épopée

Clarifions d'abord que l'épopée n'est qu'une des manifestations du genre épique, qui se caractérise par son ton et peut donc se trouver dans d'autres contextes que l'épopée elle-même. Par exemple, le théâtre peut introduire une dimension épique dans certains passages (chez Eschyle, Corneille ou Hugo) ; l'histoire peut prendre une tonalité épique, que ce soit dans les récits de l'antiquité (Tite-Live), les chroniques du Moyen Âge (Froissart, Commynes), ou des récits plus modernes (Michelet). L'éloquence peut avoir un "souffle épique", comme chez Bossuet ; la satire peut également refléter cet esprit (dans "Les Tragiques" et "Les Châtiments"). Il est donc essentiel de distinguer une couleur stylistique, un ton, d'une catégorie formelle, un genre. Bien que les expressions "genre épique" et "genre narratif" puissent parfois sembler liées (car toutes deux impliquent le récit d'une histoire), elles ne sont pas synonymes, comme le démontre la suite du texte.

Pour illustrer cette distinction, voici quelques caractéristiques propres à l'épopée, certaines s'appliquant à d'autres formes de récit, d'autres étant uniques à l'épopée. On en relève sept :

- **Le narrateur omniscient** : en termes de narratologie moderne, on parlerait de vision "par derrière" (selon J. Pouillon) ou de focalisation zéro (selon G. Genette). L'épopée, très influencée par les traditions orales, se caractérise par la voix d'un poète apparemment omniscient qui contrôle son récit, même si sa présence peut être discrète.

- **La forme poétique** : l'épopée est généralement en vers. Bien qu'elle puisse s'exprimer par une prose poétique, comme dans certains passages des "Misérables" ou des monologues dans "Le Soulier de satin" de Claudel, ces exemples représentent des moments de "souffle épique" au sein d'autres genres plutôt que des épopées complètes. La versification ajoute à l'aspect oratoire du texte et aide à la mémorisation par les rhapsodes ou jongleurs chargés de le déclamer.

- **L'amplitude du format** : l'épopée est souvent une œuvre de grande envergure, avec de nombreux personnages et une temporalité étendue. Elle permet au narrateur de multiplier les épisodes et d'introduire des histoires secondaires.

- **Une rhétorique codifiée** : l'épopée utilise des figures de style qui amplifient le récit, comme l'hyperbole, les épithètes homériques, l'accumulation par parataxe (effet catalogue), l'ekphrasis (description détaillée d'objets comme un casque ou un bouclier), les répétitions, et un registre de vocabulaire élevé.

- **L'utilisation du merveilleux** : le surnaturel peut influencer le cours des événements, aider ou entraver le héros, et animer les éléments extérieurs (objets, forces naturelles, animaux, etc.). La transcendance peut aussi être présente, guidant les événements vers une issue positive.

- **L'unité et la multitude** : l'épopée célèbre des héros exceptionnels – Ulysse, Énée, Roland, Jeanne d'Arc – qui orientent une communauté vers la lumière, la libération ou le bonheur collectif. Le héros glorifié va de pair avec la reconnaissance du peuple.

- **Le sens de l'histoire** : l'épopée raconte souvent le voyage d'une nation, généralement guerrier, mené par un leader exceptionnel animé par une profonde conviction, passant d'une période d'obscurité et de violence à un temps de paix et d'équilibre. Elle est souvent le récit de la "naissance d'une nation", avec des ambitions patriotiques et fondatrices. C'est pourquoi le western a souvent été considéré comme une forme visuelle d'épopée moderne.

3. Le récit : éléments de définition

La lecture des écrits de Platon et Aristote a mis en lumière l'usage fréquent du verbe "raconter" et du substantif "récit". D'une manière évidente, on peut dire que le genre narratif est celui qui s'exprime par le biais du récit. Avant de plonger dans les formes spécifiques du récit (comme le roman, la nouvelle, le conte - et même l'épopée), il est nécessaire d'examiner le terme générique "récit", en en définissant le sens, l'esthétique, et les défis qu'il soulève.

### Une notion plus complexe qu'il n'y paraît

Pour cerner le concept, nous pouvons nous appuyer sur les distinctions fondamentales de Gérard Genette, qui commence son essai "Discours du récit" avec ces mots :
> Nous employons souvent le mot "récit" sans toujours nous rendre compte de son ambiguïté, parfois même sans la percevoir. Certaines des difficultés rencontrées en narratologie viennent peut-être de cette confusion. Pour éclaircir ce domaine, il faut identifier trois significations distinctes derrière ce terme.
 
Genette propose trois interprétations du mot "récit" :
- D'abord, le récit comme énoncé narratif, une forme de discours dont l'objectif est de raconter, en excluant tout ce qui ne relève pas du narratif. Un exemple classique est le récit de Théramène à la fin de "Phèdre" (V, 6).
- Ensuite, le récit comme série d'événements ou d'épisodes réels ou fictifs, sans considération esthétique. Cela englobe par exemple le récit d'un fait divers dans un journal ou le récit d'un voyage, même si des éléments littéraires peuvent s'y mêler (comme dans "Le Voyage en Orient" de Gérard de Nerval).
- Enfin, le récit comme acte, celui d'un narrateur racontant un ou plusieurs événements. Ulysse, dans les chants IX et XII de "L'Odyssée", narre ses propres aventures, créant ce qu'on appelle le "récit d'Ulysse".

Pour éviter la confusion, Genette suggère de désigner le récit comme l'énoncé lui-même (premier sens), l'histoire comme le contenu narratif (deuxième sens), et la narration comme l'acte narratif producteur (troisième sens). Cependant, bien que cette clarification puisse temporairement réduire l'ambiguïté, elle ne l'élimine pas complètement. Par exemple, en parlant du "récit de Théramène", on peut hésiter entre le discours produit et l'acte qui le produit.

Dans ce chapitre, si le mot "récit" est principalement utilisé pour décrire le genre, il pourra parfois se référer soit à un type d'énoncé, soit à un type d'écriture.

3.1. Les composantes du récit

Certains éléments distinctifs permettent de reconnaître un texte narratif, soit par ses aspects formels, soit par ses thématiques. Comme l'explique Louis Baladier dans son ouvrage consacré au genre, ces éléments peuvent être regroupés en trois grandes catégories : ceux qui concernent le contenu, ceux qui sont liés à la technique, et ceux qui se rapportent au sens de l'œuvre. Pour simplifier, voici les caractéristiques qui définissent un récit :

- **Une histoire** : Pour raconter, il faut d'abord qu'il y ait une matière à raconter. Cela signifie qu'il y a un ou plusieurs événements qui sont restitués et présentés de manière « figurative ». Ces événements impliquent des êtres vivants (les personnages) qui évoluent dans un contexte spatial et temporel défini (le cadre spatiotemporel) et qui agissent selon certains modes de pensée et comportements (les mœurs). Cette matière narrative peut être appelée histoire, sujet, argument, ou scénario.

- **Une forme** : Les événements ne peuvent être narrés qu'à travers un certain code, qu'il soit oral ou écrit, la littérature se limitant principalement à l'écrit. Grâce à ce code, l'énoncé narratif devient un texte soumis aux règles et exigences de la stylistique. L'écriture narrative peut prendre plusieurs formes selon son degré de mimétisme :
  - Le **narré**, où les événements sont racontés avec ou sans commentaire ;
  - Le **montré**, où la réalité est retranscrite par des mots, comme dans les descriptions ou les portraits ;
  - Le **parlé**, où les paroles des personnages sont reproduites, soit de manière directe, soit indirecte.

- **Un sens** : Derrière les événements racontés, il y a souvent une intention de l'auteur, qui vise à faire comprendre ou interpréter quelque chose. Cela peut impliquer une volonté de transmettre un message, une morale, ou une interprétation des faits. Les éléments chargés de signification indépendants du contenu narratif ou des modes de narration peuvent contribuer à tisser un réseau de sens. Ces indices, appelés motifs, thèmes ou topoï, peuvent être plus ou moins visibles selon l'œuvre, parfois explicitement signalés par l'auteur à travers des éléments paratextuels comme le titre, la préface, les notes, les épigraphes, ou encore par des intrusions dans le récit. Dans d'autres cas, ces éléments peuvent être dissimulés dans le texte sous forme de symboles ou de métaphores, nécessitant parfois des outils d'analyse issus de la psychanalyse pour révéler ce que l'on appelle « l'inconscient du texte » (selon J. Bellemin-Noël).

4. Le roman et ses formes

Le roman, la forme littéraire dominante aujourd'hui, a des origines relativement récentes. Il se serait développé à partir de l'épopée et d'autres formes de récits primitifs, comme le souligne Pierre Chartier :

"Ce futur héritier, rejeton supposé et décrié de l’épopée, parent pauvre et cousin des autres genres, n’a pas eu d’existence légale, pas d’état civil pendant l'Antiquité. Pas de nom, pas d'existence ? ou au contraire une existence multiple, démultipliée."
 
(Introduction aux grandes théories du roman, Paris, Nathan, 2000, p. 21.)

Pierre Grimal, cité par le commentateur, remarque des éléments de ce qui pourrait être considéré comme des romans dans l'Odyssée, qu'il qualifie de "premier roman d'aventures", ainsi que dans les récits historiques d'Hérodote, qui ont une teinte romanesque, ou encore dans des œuvres mythologiques comme la Théogonie d'Hésiode, qui raconte de "belles histoires". Cependant, ces exemples sont davantage liés à une littérature narrative qui avait été formalisée par Aristote, plutôt qu'à un genre qui pourrait être considéré comme l'ancêtre du roman moderne. Dans l'Antiquité, on trouve des épopées, des récits de mythes, des œuvres hybrides incluant des dialogues (comme Le Satiricon de Pétrone), mais pas véritablement de romans au sens où nous l'entendons aujourd'hui.

Le terme "roman" apparaît au Moyen Âge, et désigne initialement un choix linguistique plutôt qu'un contenu particulier. La lingua romana désigne la langue parlée, vernaculaire, par opposition à la lingua latina, qui est la langue savante dans laquelle sont rédigées les œuvres sacrées. Le "roman" fait d'abord référence à une manière de s'exprimer, un "parler", qui se retrouve dans les langues dites "romanes", avant de désigner un type d'œuvre. Cette expression en langue vernaculaire était perçue comme moins noble, souvent traduite ou adaptée du latin, et ainsi, le roman, en tant que genre, avait une image dévalorisée. Cet héritage a continué à peser sur le roman jusqu'à l'époque des Lumières.

À ses débuts, le roman n'était pas une forme littéraire proprement dite. Les récits en langue romane étaient souvent écrits en vers, comme les poèmes hagiographiques (Vie de saint Alexis), les épopées écrites en laisses d’octosyllabes (La Chanson de Roland), ou encore les premiers récits de style "romanesque" comme Le Roman de Brut, Énéas, ou Le Roman de Troie. L'apparition de la prose n'a pas changé le caractère du "genre". Cependant, cette séparation de l'oralité a initié une nouvelle rhétorique, qui allait conduire au roman moderne : des situations plus quotidiennes, une recherche de vraisemblance, une focalisation sur l'individu plutôt que sur le collectif, une narration rapide et un goût pour l'amplification.

Malgré cette transition vers des formes plus modernes, le modèle épique n'a pas complètement disparu. Le glissement vers une représentation plus contemporaine et plus intime marque cependant le début d'une forme littéraire autonome. Les œuvres comme L'Astrée, l’Histoire comique de Francion, Clélie, Le Roman comique, ou encore La Princesse de Clèves, du début du XVIIe siècle, montrent l'émergence de ces nouvelles constructions romanesques qui se développent jusqu'à leur apogée à la fin du règne de Louis XIV, avant de connaître une domination écrasante dans les époques qui suivront.

4.1. Esthétique du roman

Un style en prose

La prose est aujourd'hui considérée comme une caractéristique indiscutable du roman, marquant une rupture avec les origines du genre, souvent associées à la poésie et à l'épopée. Pourtant, cette prose peut être poétique, ce qui brouille les frontières entre prose et poésie, surtout dans la littérature moderne où cette distinction est parfois abolie.

Le domaine de la fiction

Huet et Littré parlaient d'« histoire feinte » et Robert d'« œuvre d’imagination », indiquant que le roman n'est pas un récit de faits authentiques, comme le journalisme ou l'histoire. Cependant, cette démarcation n'est pas si nette. De nombreux romans mélangent réalité et fiction, comme dans le « roman historique » où des événements réels s'entremêlent avec des récits inventés. Par exemple, dans _L'Été 1914_ de Roger Martin du Gard, l'assassinat de Jaurès est raconté avec précision, mais d'autres parties de l'histoire sont fictives. De plus, juger de la « vérité » d'un roman uniquement par son sujet serait réducteur, car cela reviendrait à classer _Crime et Châtiment_ comme un simple roman policier ou _L'Espoir_ comme un reportage journalistique. Le dictionnaire Robert reconnaît cependant que les personnages du roman sont « donnés comme réels ». Notons également que le terme "fiction" peut s'appliquer au théâtre ou à la poésie, ce qui complique davantage la définition du genre. Pour éviter l'ambiguïté, l'anglais utilise deux termes distincts : « novel », pour une fiction proche de la réalité, et « romance », pour des œuvres où l'imagination prédomine.

L'illusion du réalisme

Indépendamment de son sujet, le roman, depuis le XVIIIe siècle, tend à reproduire un monde réel avec des événements plausibles, contrairement à d'autres formes narratives comme l'épopée ou le conte, ou encore la poésie. Pour les Anglo-Saxons, le roman prend vraiment son essor avec _Robinson Crusoé_ (1714), un récit qui incarne le désir de réalisme et sert de modèle au genre.

La présence de personnages

Les personnages jouent un rôle central dans la structure des récits. Autrefois typiques et conventionnels, ils se sont progressivement singularisés et ont gagné en complexité au fil du temps, perdant progressivement leur aspect héroïque. Même si certains mouvements littéraires, comme le nouveau roman, ont remis en question la centralité des personnages, la nécessité d'avoir des figures narratives reste forte. Les critiques contre les personnages visaient surtout les excès de la psychologie, plutôt que l'idée même du personnage.

La description

Le dictionnaire Robert évoque le « milieu » où les personnages évoluent, soulignant ainsi l'importance de la description dans la représentation du contexte du récit. Si la description était absente des premières formes narratives centrées sur l'action, elle est devenue un moyen d'authentifier le récit et d'enrichir la narration par des détails visuels. La tradition réaliste du XIXe siècle a adopté la description pour renforcer la mission mimétique de l'art. Zola, dans _Le Roman expérimental_, indique que la description doit « compléter et déterminer » le monde, non pas simplement être une décoration rhétorique.

Il faut également considérer d'autres critères qui manquent souvent dans les définitions traditionnelles du roman. Par exemple, la fonction de « raconter une histoire » peut sembler évidente, mais elle rappelle que le roman est un sous-genre du récit, caractérisé par un enchaînement d'événements. De plus, le "romanesque", qui introduit des éléments suscitant l'émotion et l'imagination, joue un rôle clé dans le genre et le distingue des autres formes narratives.

4.2. Typologie romanesque

  • le contexte de l’intrigue : catégorie la plus fournie et qui a permis, en fonction du cadre géographique et historique, de délimiter des variantes qui se définissent par leurs étiquettes : le roman pastoral, le roman régionaliste, le roman exotique, etc. ;
  • l’action : les subdivisions se font alors à partir du sujet de l’action, de la nature et de la tonalité des événements, de la condition sociale des personnages – ainsi du roman d’aventures, du roman policier, du roman d’espionnage, du roman noir, etc. ;
  • la technique narrative : classement plus moderne fondé sur des principes d’écriture ou de composition, une esthétique d’école ou de mouvement : le roman autobiographique, le roman épistolaire, le roman à la première personne.
  • Le roman héroïque

    Ce genre, populaire au XVIIe siècle, se présente comme une épopée en prose. Il raconte, souvent sur plusieurs volumes et avec un style solennel, les aventures romanesques de personnages au destin exceptionnel. Parmi les exemples les plus connus, on peut citer _Le Grand Cyrus_ et _Clélie_ de Madeleine de Scudéry.

    Le roman comique

    Il s'agit d'un récit destiné à divertir, combinant des éléments de réalisme et de burlesque, ainsi que des touches de romantisme et de parodie. Le chef-d'œuvre de ce genre est _Le Roman comique_ de Scarron (1651-1657).

    Le roman picaresque

    Originaire d'Espagne, ce type de roman met en scène un « picaro », un jeune homme pauvre et rusé qui vit de nombreuses aventures. Le premier exemple célèbre est _Lazarillo de Tormes_ (1554), d'un auteur anonyme. En France, Lesage adapte le genre avec _Gil Blas de Santillane_ (1724-1735).

    Le roman par lettres

    Ce genre utilise des lettres, partiellement ou entièrement fictives, pour raconter une histoire. Très en vogue entre la fin du XVIIe siècle et le romantisme, il comprend des œuvres comme _Lettres portugaises_ de Guilleragues (1669), _Clarisse Harlowe_ de Richardson (1748), _La Nouvelle Héloïse_ de Rousseau (1761), et _Les Liaisons dangereuses_ de Laclos (1782).

    Le roman de formation (ou d’éducation)

    Ce genre, issu du Bildungsroman allemand, décrit le parcours de transformation d'un jeune homme vers la connaissance de lui-même. Dominant au XIXe siècle, il inclut des romans comme _Les Illusions perdues_, _L'Éducation sentimentale_, et _Bel-Ami_. Wilhelm Meister de Goethe est un exemple précurseur.

    Le roman historique

    Ce genre prend l'Histoire au sens strict, en faisant revivre des personnages historiques dans leur quotidien. Walter Scott est souvent considéré comme un pionnier du genre, suivi par des auteurs du XIXe siècle comme Balzac, Dumas, Vigny et Hugo. Au XXe siècle, il a été repris avec des perspectives variées, allant des œuvres ambitieuses de Marguerite Yourcenar ou Aragon, aux romans populaires de Jeanne Bourin ou Christian Jacq.

    Le roman-fleuve (ou « cyclique »)

    Le roman-fleuve se déploie sur plusieurs volumes et couvre plusieurs générations, souvent centrées sur une famille. Zola a initié le genre avec _Les Rougon-Macquart_. Au XXe siècle, Romain Rolland (_Jean-Christophe_), Roger Martin du Gard (_Les Thibault_), Georges Duhamel (_La Chronique des Pasquier_), Jules Romains, et d'autres ont contribué à la popularité du genre. À l'étranger, des auteurs comme Galsworthy, Thomas Mann, Broch, Cholokhov ou Mazo de la Roche l'ont également adopté.

    Le roman autobiographique

    Contrairement à l'autobiographie classique, le roman autobiographique n'assimile pas directement l'auteur et le personnage. Il s'inspire de la vie de l'auteur pour créer une fiction. Des exemples connus incluent _L'Enfant_ de Jules Vallès ou _Le Voyage au bout de la nuit_ de Céline. Toutefois, tous les romans à la première personne ne sont pas autobiographiques, comme _L'Étranger_ de Camus. Ce mode narratif implique une forme romanesque unique.

    Le nouveau roman

    Plus qu'un simple modèle narratif, le nouveau roman représente un mouvement né vers la fin des années 1950, en réaction contre le réalisme et l'humanisme littéraires. Le nouveau roman transforme le récit en une exploration et l'écriture en une aventure, selon Jean Ricardou. Les principaux auteurs de ce mouvement sont Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon et Michel Butor.

5. Les autres genres narratifs

Les récits peuvent être exprimés sous forme de prose, avec des personnages, sans pour autant appartenir au genre du roman. Parfois, la distinction peut être ténue. André Gide, par exemple, préférait utiliser le terme "récits" pour désigner certaines de ses œuvres comme _L'Immoraliste_, _La Porte étroite_, ou _Isabelle_. Cela tenait au fait que ces histoires étaient souvent épurées, avec peu de personnages et une thématique resserrée. D'un autre côté, _Les Caves du Vatican_, un roman qui s'éloigne de la gravité mimétique des constructions classiques, portait le nom singulier de "sotie", un terme traditionnellement utilisé pour décrire une pièce satirique de théâtre.

Au-delà de ces distinctions spécifiques, il existe des formes narratives reconnues autres que le roman, chacune avec ses propres règles esthétiques. La nouvelle en est un exemple. Contrairement au roman, la nouvelle est généralement plus courte, avec une intrigue plus concentrée, et présente souvent une structure resserrée autour d'un thème ou d'une idée centrale. Ces nuances montrent que raconter des histoires en prose avec des personnages peut prendre différentes formes, chaque type de récit apportant son propre style et sa propre esthétique.

5.1. La nouvelle

L'évolution de la nouvelle peut être divisée en quatre étapes historiques distinctes :

- **Moyen Âge** : L'acte de naissance de la nouvelle en France est attribué aux _Cent Nouvelles Nouvelles_ (1462), qui s'inspirent du modèle italien du _Décaméron_ de Boccace (1350). À cette époque, la nouvelle est influencée par les genres médiévaux comme les lais et les fabliaux, avec une tonalité souvent grivoise. Elle doit respecter un format limité et se caractérise par un ton joyeux. L'apogée de cette période est l'_Heptaméron_ de Marguerite de Navarre (1540-1547), une œuvre marquant la transition vers la Renaissance.

- **Renaissance** : Au XVIe siècle, la nouvelle prend de l'ampleur alors que le roman a du mal à s'imposer. La veine grivoise persiste, mais elle commence à être contrebalancée par des thèmes plus nobles, influencés par les courants humanistes et l'éthique religieuse. Des auteurs comme Guillaume Bouchet, Boaistuau, et Tahureau marquent cette période où la nouvelle s'affirme comme un genre littéraire distinct.

- **Âge classique** : À cette étape, des écrivains de renom s'intéressent au récit bref, souvent pour contrer la tendance à l'allongement des romans. L'influence italienne cède la place à un modèle espagnol, avec Cervantès et ses _Nouvelles exemplaires_ (1613). Des auteurs comme Sorel (_Les Nouvelles françaises_, 1623), Segrais (_Les Nouvelles française ou les Divertissements de la princesse Amélie_, 1656), et Donneau de Visé contribuent au développement d'un genre devenu galant et raffiné. Des autrices comme Mme de Villedieu et Mme de Lafayette s'approprient également ce format. Toutefois, la distinction entre roman et nouvelle devient floue, et des œuvres comme _La Princesse de Clèves_ sont parfois considérées comme des nouvelles. Parallèlement, le conte gagne en popularité.

- **Époque moderne** : Après une éclipse relative au XVIIIe siècle, la nouvelle connaît un regain d'intérêt au XIXe siècle, avec des auteurs comme Balzac, Nerval, Mérimée, Gautier, Zola, Maupassant, Daudet, et Villiers de L'Isle Adam. Cette période fixe le genre en absorbant les anciennes distinctions comme le conte ou le récit. Le XXe siècle prolonge cette tendance avec une nouveauté : l'intégration de la notion de "recueil", qui crée une cohérence entre différentes histoires. Cependant, le public moderne semble moins friand de nouvelles, sauf pour des auteurs étrangers tels que Buzzati, Borges, et Cortázar.

La caractérisation de la nouvelle repose sur plusieurs éléments distinctifs, malgré sa brièveté. L'impératif de densité, bien que crucial, ne suffit pas à la définir de manière exhaustive, car d'autres formes littéraires brèves existent. Voici cinq caractéristiques majeures qui différencient la nouvelle des autres genres :

- **Nouveauté** : La nouvelle tire son nom du fait qu'elle raconte une histoire récente ou contemporaine. Le titre pléonastique _Cent Nouvelles Nouvelles_ (1455) souligne ce point, distinguant la nouvelle du conte, qui peut traiter d'événements plus anciens ou imaginaires.

- **Unité d'action** : La nouvelle se concentre sur un événement spécifique ou un petit nombre d'événements liés, offrant une unité d'action. La narration tourne généralement autour d'un seul point central. L'argument peut souvent être résumé en une phrase succincte, comme dans _Matéo Falcone_ de Mérimée : "En Corse, un enfant qui a trahi un secret est exécuté par son père." Cette unité favorise une lecture d'une seule traite, créant un impact émotionnel fort. Baudelaire et Gide ont insisté sur cet aspect de la nouvelle, soulignant qu'elle est conçue pour être lue en une seule fois.

- Narration monodique : La nouvelle privilégie généralement un seul narrateur, qui guide le lecteur du début à la fin de l'histoire. Cette simplicité narrative peut être déclinée sous diverses formes, comme un auteur racontant une histoire reçue par lettre ou retranscrivant le contenu d'un rêve. Les récits encadrés comme _Les Mille et Une Nuits_ ou _L'Heptaméron_ utilisent cette structure d'enchâssement pour raconter plusieurs histoires au sein d'une même trame.

- Économie de moyens : La nouvelle exclut souvent les descriptions détaillées ou les portraits étendus. Elle opte pour une approche concise, se concentrant sur les éléments essentiels de l'histoire. Les préparatifs et les introductions sont réduits ou supprimés, et le récit commence souvent _in medias res_, avançant rapidement vers la crise et le dénouement. Cette économie de moyens contribue à la densité et à l'intensité de la narration.

- Effet de surprise : La nouvelle cultive souvent un effet de surprise ou de révélation, qui se manifeste généralement dans le dénouement ou l'épilogue. Cette caractéristique contribue à l'impact émotionnel et à l'effet de circularité, où le récit forme un univers clos, autonome, qui se termine de manière complète et satisfaisante.

Ainsi, bien que la nouvelle soit définie par sa brièveté, ces caractéristiques la distinguent clairement d'autres formes narratives, établissant un genre à part entière avec ses propres règles et esthétiques.

L'ambition de vérité : à la différence du conte, dont il sera question plus loin, la nouvelle donne une vision du monde présentée comme fidèle. Étiemble, réfléchissant au rapport entre nouvelle et société

La signification intertextuelle : Elle fait référence à la façon dont un texte ou un récit peut interagir avec d'autres, créant un ensemble de significations qui vont au-delà de l'histoire individuelle. Dans le contexte des nouvelles et des recueils, cette notion prend une importance particulière, car les nouvelles sont souvent publiées en tant qu'ensembles, créant des liens ou des échos entre elles. Voici comment cette intertextualité fonctionne pour les nouvelles et les recueils :

- **L'Autonomie du Récit Bref** : Chaque nouvelle vise à être autonome, c'est-à-dire qu'elle doit raconter une histoire complète avec son propre début, milieu et fin. Cependant, pour être commercialement viable, ces récits brefs sont souvent regroupés en recueils, ce qui peut avoir un impact sur leur signification individuelle.

- **Le Recueil comme Unité** : Lorsque plusieurs nouvelles sont réunies dans un recueil, elles peuvent former un ensemble cohérent, que ce soit par thème, style, tonalité ou autres éléments communs. Les nouvelles de Maupassant, par exemple, peuvent être reliées par des thèmes de la société française du XIXe siècle, tandis que celles de Kafka peuvent avoir des éléments de surréalisme ou d'absurde.

- **La Réorganisation du Recueil** : L'ordre dans lequel les nouvelles apparaissent dans un recueil peut influencer la signification de chaque récit. Une réorganisation peut créer de nouvelles connexions entre les histoires, introduire des motifs récurrents ou modifier le contexte. Les éditeurs ou les auteurs eux-mêmes peuvent décider de l'ordre des nouvelles pour créer des transitions significatives ou des contrastes frappants.

- **Les Relations entre Nouvelles** : Les nouvelles dans un recueil peuvent établir des relations intertextuelles par le biais de thèmes, de personnages ou de lieux récurrents. Ces connexions peuvent enrichir l'expérience de lecture, offrant une vision plus large ou une compréhension approfondie des thèmes abordés.

Ainsi, la signification intertextuelle dans le contexte des nouvelles et des recueils met en lumière la manière dont les récits brefs, bien qu'autonomes, peuvent interagir pour créer des couches de signification supplémentaires. Les recueils de nouvelles, grâce à ces connexions subtiles ou explicites, deviennent des œuvres complexes où le tout est plus que la somme de ses parties.

5.2. Le conte

Il est courant de regrouper la nouvelle et le conte dans une même analyse, car ces deux formes littéraires présentent des similitudes importantes. Parfois, ils semblent interchangeables, comme l'indiquent certains titres de nouvelles comme "Contes à Ninon" (Zola), "Contes de la bécasse" (Maupassant), ou "Contes du lundi" (Daudet). Mérimée lui-même utilise indifféremment le terme "conte" ou "nouvelle" pour désigner "La Vénus d’Ille." Cette confusion sémantique remonte loin dans le temps, car au Moyen Âge, "conte" était utilisé pour désigner tout type de récit, comme le montre Chrétien de Troyes dans "Le Conte du Graal." Aujourd'hui, on parlerait plutôt de roman pour ce texte.

Le moyen le plus simple de distinguer le conte du roman est par la longueur. Le conte est un récit court, tandis que le roman est long. Cependant, cette distinction fait ressortir davantage la similarité entre le conte et la nouvelle, toutes deux des formes courtes de récit. Dans les deux cas, on trouve des caractéristiques communes comme un sujet unique, peu de personnages, et une narration épurée, qu'elle soit basée sur des faits réels ou fictifs.

Pour comprendre la différence entre conte et nouvelle, il peut être utile de revenir à l'histoire des termes. Le mot "conte" provient du même étymologie que "compte," et le verbe "conter" vient du latin "computare," qui signifie "compter" ou "énumérer," suggérant ici la structure des épisodes d'un récit. Apparue au XIIe siècle, l'appellation "conte" désignait initialement un récit inspiré de la réalité, censé relater des faits vrais. Cependant, étant donné la nature créative de la littérature, cette exigence de réalité a été largement ignorée, et le terme a été appliqué à une variété de formes narratives, y compris les fabliaux, les dits, et même les chansons de geste.

Si nous voulons identifier quelques caractéristiques distinctives, les éléments suivants peuvent être retenus :
- Le conte tend vers la fable ou l'onirisme, s'éloignant du réalisme ou de la vraisemblance.
- Les personnages du conte sont souvent symboliques, plutôt que définis par des traits individuels.
- Le conte a des racines populaires, puisant ses thèmes dans la tradition orale, la culture collective, ou le folklore.
- Il peut être plus long que la nouvelle, tout en restant un récit court.
- La narration dans le conte est directe, s'inspirant de l'oralité : un narrateur clairement identifié "raconte" l'histoire.
- Le conte comporte souvent une intention morale ou didactique, soit explicitement exprimée, soit implicite dans le récit.

5.3. Le fabliau et la fable

Le mot "fable" apparaît souvent lorsque nous parlons de genres narratifs. Cela s'explique par le fait qu'étymologiquement, ce terme provient du latin "fabula", qui signifie "récit". Dans son sens premier, "fable" évoque simplement une histoire ou une narration. Au Moyen Âge, le mot se confond avec le terme "fabliau" et peut également désigner des récits mythologiques.

Inspirée par des modèles antiques comme ceux d'Ésope et de Phèdre, la fable évolue au fil du temps pour se spécialiser, dès l'époque classique, en une histoire imaginaire conçue pour illustrer une morale. Elle devient ainsi un genre relativement bien défini, avec ses propres règles : être concise, mettre en scène des personnages souvent symboliques (souvent des animaux), s'appuyer sur une narration (apologue) qui conduit à une leçon (morale), le tout, généralement, écrit en vers. Le représentant le plus célèbre de ce genre est La Fontaine, suivi de ses successeurs comme Houdar de La Motte, Fénelon, et Florian. Dans le langage courant, le terme "fable" peut aussi désigner un récit fictif, voire mensonger.

### Le fabliau
Ce genre, qui remonte au XIIIe siècle, est écrit en vers et, comme son nom l'indique, dérive de la fable. Les fabliaux sont des récits courts en octosyllabes, écrits par des auteurs anonymes, qui puisent leur inspiration dans la vie quotidienne ou le folklore populaire. L'intrigue des fabliaux est souvent simple, teintée de grivoiserie ou de scatologie, mettant en scène des personnages stéréotypés (le mari trompé, l'épouse infidèle, le prêtre rusé, le paysan naïf) dans un but satirique ou édifiant. Ce genre s'éteint progressivement sous sa forme traditionnelle avec la Renaissance, bien que d'autres formes narratives, comme le conte, aient été influencées par le fabliau.

Le terme "fabliau" était déjà utilisé au Moyen Âge en parallèle avec d'autres termes désignant des formes narratives brèves : le lai (qui évoque des sujets plus nobles), le dit, la risée, l'exemplum (une histoire qui dégage une leçon), le mirabilium (récit de faits surnaturels), et bien sûr la fable. Ce champ lexical souligne la diversité des formes narratives tout en mettant en lumière la difficulté de les classer de manière précise.