1. Les fondements de la narration

Avant de parler spécifiquement du roman, un genre apparu relativement tard, il faut aborder le concept de narration, auquel le roman appartient. Aristote, dans sa "Poétique", différencie deux types de mimésis : le dramatique, où les personnages agissent directement, et le narratif, où un narrateur raconte l'action. Cette distinction introduit des variations de degré entre ces deux modes, influencées par le point de vue utilisé, que ce soit à la première ou à la troisième personne.

Il faut rappeler qu'Aristote se concentre uniquement sur les œuvres en vers, particulièrement celles qui mettent en scène des actions humaines ou des personnages humains. Cela peut sembler éloigné des formes narratives modernes, mais cela fournit des bases pour comprendre le genre narratif. Voici quelques caractéristiques qui définissent ce genre :
- Une représentation indirecte, médiatisée par un narrateur, contrairement au théâtre où l'action est directement présentée.
- La présence d'une voix narrative implicite, celle du narrateur.
- Une variabilité dans l'énonciation selon que le narrateur parle en son propre nom ou s'exprime à travers les paroles d'un personnage.

Platon, dans "La République" (393d-394c), introduit une distinction supplémentaire, que nous pourrions interpréter comme une différenciation entre les types de narration :
- Le narratif pur, sans dialogues, représenté par le dithyrambe.
- Le narratif mixte, qui alterne récit et dialogues, comme dans l'épopée.

Aristote, quant à lui, ne retient pas cette distinction, considérant le narratif mixte comme une partie du genre narratif plus large. Selon lui, la triade de Platon (narratif, mixte, dramatique) devient un système binaire (narratif et dramatique), car le narratif pur n'est plus reconnu comme un genre distinct, tandis que le narratif mixte devient le seul type de narration.

Une autre différence de point de vue entre Platon et Aristote concerne le statut de la mimésis. Pour Platon, dans "La République", la mimésis implique que le poète s'efface pour donner l'illusion d'une imitation parfaite, comme au théâtre. Si le poète raconte en son nom sans dialogues, c'est de la diégésis. Aristote, en revanche, considère que toute création littéraire qui représente des actions est mimétique par nature.

Un point sur lequel les deux philosophes s'accordent est le rôle d'Homère comme exemple majeur du mode narratif, mettant en avant l'épopée comme un type particulier de narration.