6. Le drame

6.2. Le drame romantique

Pour résumer les éléments clés, Anne Ubersfeld distingue trois "révolutions" qui caractérisent le drame romantique dans son ouvrage *Le Drame romantique* :

- **Révolution historique** : L'histoire devient un sujet central, mais pas l'Antiquité, qui est le domaine de la tragédie classique. Au lieu de cela, l'accent est mis sur l'histoire récente, en particulier la Renaissance. Les différents niveaux de la société sont mis en scène, et le roi n'est plus intouchable ; sa fonction même peut être remise en question.

- **Révolution technique** : Les règles du théâtre classique sont partiellement abolies, avec la suppression de certaines contraintes telles que l'unité de temps et de lieu. Les tons se mélangent, les intrigues se multiplient, et le langage subit une réforme.

- **Révolution philosophique** : La montée de l'individualisme accompagne la promotion du héros et soulève des questions psychologiques. Le héros romantique est souvent tourmenté, un mélange de « romantique plaintif et homme d'action » (comme le décrit Ubersfeld), pris au piège d'un moi envahissant et hanté par un sentiment de fatalité.

Il n'est pas nécessaire ici de retracer toute l'histoire du drame romantique, de *Cromwell* (1827) et sa célèbre préface, aux *Burgraves* (1843), une autre pièce de Hugo qui n'a pas été bien reçue par le public. Cependant, il convient de noter l'influence des modèles étrangers (Shakespeare, Schiller, Goethe, Alfieri…), l'importance des lieux de représentation (la Comédie-Française, le théâtre de boulevard, et le célèbre Théâtre de la Porte Saint-Martin), ainsi que le rôle des comédiens engagés dans la bataille romantique (Marie Dorval, Mlle Georges, Talma, Frédéric Lemaître, Bocage, etc.).

Hugo, avec son ambition totalisante pour le drame romantique, l'exprime ainsi :

"Le drame, selon le XIXe siècle, ce n'est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille ; ce n'est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et divinement élégiaque de Racine ; ce n'est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique, de Molière ; ce n'est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire ; ce n'est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais ; ce n'est pas tout cela, mais c'est tout cela à la fois ; ou, pour mieux dire, ce n'est rien de tout cela. […] C'est tout regarder à la fois sous toutes les faces."
(Préface de *Marie Tudor*, 1833).