6. Le drame

Le terme "drame" fait d'abord référence à l'action théâtrale, comme l'indiquait déjà Aristote dans sa Poétique. Henri Gouhier souligne cette caractéristique : « L'essence du théâtre réside en deux mots : το δραμα [drama] qui signifie 'l'action', et το τεατρον [théatron], le lieu où l’on voit ». Dans ce contexte, le dérivé adjectival "dramatique" est utilisé pour désigner "ce qui concerne l'action", englobant tout ce qui a trait au théâtre, y compris le "genre dramatique".

Selon Michel Lioure, on peut affirmer que « [...] le drame n'existe pas en tant que genre dramatique spécifique ; le terme drame, dépouillé de toute signification précise, inclut donc aussi bien la tragédie que la comédie, englobant des auteurs comme Sophocle et Aristophane. » (*Le Drame, Paris, Armand Colin, coll. « U », 1963, p. 7.*) Cependant, malgré ces réserves, le terme "drame" a commencé à s'implanter progressivement dans le vocabulaire littéraire pour désigner une forme intermédiaire entre la comédie et la tragédie. Même si Nivelle de La Chaussée préférait le terme "comédie larmoyante" pour désigner ses œuvres hybrides (*Le Préjugé à la mode, 1735*), et Diderot parlait de "genre sérieux" pour ses pièces (*Le Fils naturel, 1757 ; Le Père de famille, 1758*), le terme "drame" a finalement été adopté par des dramaturges et théoriciens du XVIIIe siècle tels que Diderot, Beaumarchais ou Louis-Sébastien Mercier.

Victor Hugo, bien que figure centrale dans l'illustration du "drame", avoue lui-même la difficulté de définir ce "genre" : « C'est une chose étrange que le drame. Son diamètre va des *Sept Chefs contre Thèbes* au *Philosophe sans le savoir*, de Brid’Oison à Œdipe. Thyeste en fait partie, Turcaret aussi. Si vous voulez le définir, incluez Électre et Marton [...]. Le drame a tous les horizons [...]. Le drame est le plus vaste récipient de l'art. » (*William Shakespeare, 1864, 1re partie, l. IV.*)

Bien que le drame n'ait pas la même assise historique que la comédie ou la tragédie, Anne Ubersfeld tente de lui conférer une esthétique spécifique : « Est considéré comme drame toute œuvre qui, sans tenir compte de la forme ou des codes, ni de l'effet pathétique ou comique, construit une histoire impliquant à la fois des destinées individuelles et un univers 'social'. » (*Le Drame romantique, Paris, Belin, 1993, p. 7.*) Elle reconnaît cependant la difficulté de cette définition et précise que le drame se caractérise par sa liberté. Michel Lioure partage une idée similaire en affirmant que le drame « se définit par son refus même de la notion de genre », n'étant qu'une "tentation théâtrale perpétuelle" qui s'appuie sur quelques principes esthétiques tels que l'intensité, la variété, le plaisir direct et la simplicité.

Jean Anouilh, dans son *Antigone*, oppose le drame à la tragédie en soulignant le côté utilitaire et moins noble du premier. « Dans la tragédie, c'est propre et reposant. Dans le drame, avec ses traîtres, ses méchants acharnés, ses innocents persécutés, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. »

Ainsi, le drame, plus profane que la tragédie, se distingue par son refus de s'enfermer dans des règles strictes ou des caractéristiques universelles, ce qui rend difficile de le qualifier de "genre" au sens strict. Pour cette raison, sa définition reste liée à ses différentes manifestations à travers l'histoire.