5. La comédie

5.1. Les règles de la comédie

La comédie, en mettant en scène des personnages ordinaires et des actions tirées de la vie quotidienne, en utilisant un langage imprégné de fantaisie, n'est pas restreinte par des lois rigides. Cette flexibilité se reflète même dans son nom, puisque le terme latin « comœdia » signifiait simplement « pièce de théâtre », et cette signification a perduré jusqu'au XVIe siècle. En 1694, le Dictionnaire de l'Académie définissait encore la comédie comme : « Un terme général désignant toute pièce de théâtre, comme la tragédie, la tragicomédie et la pastorale, ainsi que la comédie proprement dite. » De nos jours, le terme « comédien » fait référence à celui qui joue au théâtre, contrairement à « tragédien » (devenu désuet), qui se spécialise dans la tragédie, ou « acteur », qui a une signification plus large. Cette polysémie montre l'ambiguïté des définitions et souligne la difficulté à établir une esthétique de la comédie. Celle-ci suivrait, dans les grandes lignes, les principes d'Aristote et adopterait — comme nous le proposons ici — les principes énoncés par le plus grand auteur comique français, Molière. Selon lui, la comédie devrait : - **Choisir des personnages issus de la vie quotidienne** : « Comme le but de la comédie est de représenter tous les défauts des hommes, et surtout de ceux de notre époque » (*L'Impromptu de Versailles*). - **Rester fidèle à la nature** : « Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce que vous voulez. Mais lorsque vous peignez des hommes, il faut les peindre d'après nature » (*Critique de l'École des femmes*). - **Suivre le goût du public** : « Je fais suffisamment confiance aux décisions du grand public » (*Préface des Fâcheux*), et « Je voudrais savoir si la règle la plus importante n'est pas de plaire » (*Critique de l'École des femmes*). - **Amuser** : « Il faut plaisanter ; et c'est une tâche délicate de faire rire des gens respectables » (*Critique de l'École des femmes*). - **Dénoncer les vices** : « Il est très efficace de ridiculiser les vices en les exposant à la moquerie publique » (*Préface de Tartuffe*). Molière reprend l'expression ancienne : « Castigat ridendo mores » (« Par le rire, elle corrige les mœurs »). À ce catalogue d'exigences, s'ajoute un autre élément souligné par Charles Mauron : la comédie affiche délibérément son aspect ludique et trompeur. Contrairement à la tragédie, elle ne vise pas à donner l'illusion de la réalité des actions présentées, modifiant ainsi le rapport avec la mimésis : « Le spectateur est rapidement averti qu'il participe mentalement à un jeu et non plus à un rêve. Mettant de côté sa participation affective, il peut accepter ce qu'il aurait normalement rejeté : une incohérence contraire à son expérience réelle des actions humaines, de leurs causes et de leurs effets. Car telle est la liberté du jeu : paradoxalement, la plus mythique des tragédies a moins droit à l'irréalité que la comédie la plus quotidienne. » (Charles Mauron, *Psychocritique du genre comique*, Paris, José Corti, 1964, p. 29.) Ainsi, les renversements de situation (comme « l'arroseur arrosé »), la parodie (des actions nobles imitées pour rire), le comique de personnages (comme les valets), l'utilisation de langage humoristique, et l'invraisemblance des situations (dans l'imbroglio) font partie de la panoplie de la comédie. Cependant, ces remarques suffisent-elles pour définir un genre ? Pas nécessairement, car comme le souligne un commentateur : « Aucun des éléments de la comédie n'est unique en lui-même, et la spécificité de la comédie repose sur une combinaison de traits dont la présence simultanée, au moins pour la plupart d'entre eux, permet de la définir comme telle. » (Michel Corvin, *Lire la comédie*, Paris, Dunod, 1994, p. XI.) Corvin conclut finalement par une formule originale mais intrigante : « La comédie est une histoire de fous et de menteurs » (ibid., p. 205). D'où la diversité de ses formes.