5. Le débat théorique

5.2. Modes, genres, archigenres

Dans un texte antérieur, datant de 1979, Gérard Genette propose une distinction qui mérite d'être soulignée. En revisitant la division ternaire attribuée à Aristote, qui se concentrait principalement sur des aspects énonciatifs, Genette suggère d'utiliser le terme "modes" pour décrire ces catégories, car elles relèvent de la linguistique ou, plus précisément, de ce que l'on appelle aujourd'hui la pragmatique. À l'inverse, le mot "genre" devrait être réservé à des "catégories proprement littéraires", c’est-à-dire à des groupes d'œuvres identifiées de manière empirique dans la production historique, reconnaissables grâce à des thèmes communs. Pour souligner la nature englobante de ces catégories, Genette propose le terme "archigenres" :

"Tous les sous-genres, genres ou super-genres [...] sont des classes empiriques, établies par observation des données historiques, ou, à la limite, par extrapolation à partir de ces données." (Introduction à l'architexte, op. cit., p. 143.)

Cela signifie que ces "archigenres" sont essentiellement des constructions théoriques qui dépendent d'une période historique donnée, plutôt que des entités idéales ou naturelles. La confusion qui a contribué à discréditer la division générique, souvent jugée réductrice ou inadaptée, surtout appliquée à des œuvres modernes, découle du fait qu'un terme comme "épique" peut désigner à la fois un mode d'énonciation (la narration) et un genre (l'épopée). De même, le mot "dramatique" peut désigner un type d'écriture (celle du théâtre) ou un genre (comme la tragédie, la comédie, le drame). Cette ambiguïté se retrouve également dans le terme "lyrique", qui peut englober l'élégiaque, le satirique, et d'autres sous-genres.

Genette ne propose pas de rejeter complètement le système d'Aristote, qu'il considère « dans sa structure plutôt supérieur (c’est-à-dire, évidemment, plus efficace) à la plupart de ceux qui l'ont suivi » (ibid., p. 150), mais il recommande de l'utiliser avec précaution. Il suggère de distinguer les éléments qui permettent de décrire les textes : les modes (comme le narratif ou le dramatique), les thèmes (majeurs ou mineurs), les formes (comme la métrique ou la rhétorique), et enfin les genres, à replacer dans un système qui refuse une "taxinomie inclusive et hiérarchisée, qui à chaque fois bloque tout jeu et conduit à une impasse" (ibid.).