La notion de genre littéraire

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Course: ET-HALLAL
Book: La notion de genre littéraire
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Date: Sunday, 19 May 2024, 2:43 AM

1. Introduction

Bien que les histoires littéraires et les anthologies scolaires établissent souvent des distinctions claires entre le roman, la poésie et le théâtre – en s'appuyant sur les classifications traditionnelles –, il est plus complexe de cerner précisément les fondements de cette répartition, ainsi que sa portée, son importance, et ses limites. La notion de genre, qui constitue un élément clé de la description littéraire, soulève suffisamment de questions théoriques pour que l'on cherche, avant de classer les œuvres dans différentes catégories, à définir ce concept, à délimiter son champ d'application, et à mettre en lumière ses zones d'ombre.

2. Le terme et ses significations

Le terme « genre » n'est pas exclusivement réservé au domaine esthétique, ni même à la littérature. Il s'agit d'un mot qui, de manière générale, fait référence à l'idée d'origine, comme l'indique son équivalent latin, « genus, generis ». Jusqu'à la Renaissance, le mot était utilisé dans ce sens pour désigner la race ou la lignée. Cette signification perdure encore aujourd'hui dans l'expression moderne « genre humain », qui désigne « l'ensemble des êtres humains sans distinction de sexe, de race ou de nationalité ».

Cette première acception, qui suggère implicitement l'idée d'un « groupe d'êtres », a permis un glissement sémantique, prenant une perspective plus philosophique, pour signifier un regroupement d'individus ou d'objets ayant des caractéristiques communes.

Deux domaines du savoir vont récupérer ces définitions pour désigner des classifications particulières : la grammaire, où le mot « genre » permet de distinguer les catégories du masculin et du féminin (et éventuellement du neutre) ; la littérature et l’art qui ont eu recours à ce terme pour qualifier des classes, des sujets ou des modes de création. En peinture, par exemple, on séparera le portrait du paysage, la marine de la nature morte ; en architecture le gothique sera distingué du roman, le baroque du classique ; en matière de cinéma, art pourtant récent, il est traditionnel de différencier les catégories du western, de la comédie musicale, du film d’aventures, du péplum ou du dessin animé.

La littérature à son tour obéit à la même volonté taxinomique en s’efforçant de classer les œuvres et les sujets en fonction de critères particuliers, qu’ils soient stylistiques, rhétoriques, thématiques ou autres. C'est ce territoire qui constitue les genres littéraires et que l’on se propose d’explorer.

3. À propos de certains présupposés

Trois présupposés découlent de cette définition.

 

3.1. L'idée de norme

Le classement en genres repose sur un désir d’ordre, dans les deux sens du terme. D'un côté, en répartissant des objets dans des catégories précises, on peut remédier au chaos d'une production désorganisée. Le genre, en tant qu'étiquette de classement, devient un outil pratique pour passer de l'imprécis au précis, de l'indéfini au défini, du général au spécifique. D'un autre côté, cette organisation des genres est aussi un « ordre imposé », dans le sens où la catégorie générique prédétermine le contenu des œuvres qui y sont associées. Cela crée une structure rigide régie par des règles strictes dont le respect assure la cohérence. Pour caractériser les genres, des critères d'appartenance ont dû être définis et, une fois formalisés en termes normatifs, ils se sont transformés en contraintes codifiées. Chaque genre implique des lois qui le définissent, des limites qui le délimitent, des théoriciens qui en surveillent l'usage et qui confèrent leur approbation. On comprend donc pourquoi ces rigidités peuvent provoquer des rébellions et comment ces règles peuvent encourager des transgressions.

3.2. L'idée de nombre

Le genre représente une forme de pluralité. Pour qu'un genre existe, il faut rassembler des éléments individuels, d'un nombre indéfini mais suffisamment significatif, en se basant sur des critères de ressemblance. C'est en juxtaposant différentes œuvres théâtrales qui partagent la même esthétique que l'on crée la catégorie de la comédie, même si Molière, Marivaux, et Courteline restent finalement assez différents les uns des autres. De plus, le genre acquiert tout son sens par rapport aux autres genres avec lesquels il se démarque.

3.3. L'idée de hiérarchie

La définition du terme « genre » révèle une division stratifiée du savoir. Le genre marque un premier niveau par rapport à l'espèce, laquelle est subdivisée en familles ou classes, elles-mêmes composées de groupes ou cellules, eux-mêmes constitués d'unités ou d'objets, et ainsi de suite. Cette notion reproduit ainsi une réalité sociale et culturelle - et presque idéologique -, reflétant l'organisation humaine sous une structure pyramidale.

4. La perspective historique

Le désir, inhérent à l'esprit humain, de classifier, de structurer, et de définir le champ illimité du savoir s'est manifesté très tôt dans le domaine de la littérature. En établissant des relations entre les œuvres et en attribuant des noms spécifiques aux catégories ainsi créées, les théoriciens de la littérature ont jeté les bases de ce qu'on appellera la "poétique", au sens que lui donne Valéry, pour qui cela inclut "tout ce qui touche à la création ou à la composition d'œuvres dont le langage est à la fois la matière première et le moyen d'expression".

Il n'est pas exagéré de dire que la notion de genre constitue un jalon majeur dans l'histoire de l'analyse littéraire. Tous les spécialistes reconnaissent cette préoccupation constante, même si elle connaît parfois des moments d'obscurité. Comme le notent Ducrot et Todorov : "Le problème des genres est l'un des plus anciens de la poétique, et de l'Antiquité à nos jours, la définition des genres, leur nombre, leurs relations mutuelles ont toujours suscité des débats." (Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, op. cit., p. 193.)

4.1. Le modèle grec : Platon et Aristote

Si l'on examine la question sous un angle historique, il semble que le texte fondateur en matière de genre littéraire, ou du moins celui qui est considéré comme la référence la plus autoritaire, soit la "Poétique" d'Aristote, bien que cet ouvrage nous soit parvenu dans un état incomplet et désordonné. Le livre commence par une définition des objectifs qu'il entend traiter :

"Nous allons aborder l'art poétique lui-même et ses espèces, l'effet propre à chacune d'entre elles, la manière de structurer les histoires pour obtenir une composition réussie; nous parlerons également du nombre et de la nature des parties qui les constituent, ainsi que de toutes les autres questions pertinentes, en commençant par ce qui vient en premier, selon l'ordre naturel." (P. 85.)

En utilisant le terme "espèces", Aristote, qui reprend des distinctions éparpillées dans différents dialogues de Platon ("La République", "Phèdre", "Ion"), introduit de manière nette l'idée de catégorisation et établit des bases théoriques pour décrire les règles qui les régissent. C'est ainsi que le concept de genre semble être identifié pour la première fois.

Aristote établit ensuite deux distinctions principales :

  • Toutes les "espèces" étudiées par la poétique relèvent d'une forme de mimésis (imitation).
  • La différenciation des "espèces" entre elles peut être effectuée selon les formes que prend cette imitation.

Les chapitres suivants vont expliquer et développer les principes définis dans ce préambule, et notamment proposer de commenter les trois modes d’imitation :

  • les moyens (critère formel) qui permettent de distinguer par exemple la prose des vers ou un combiné des deux ;
  • les objets (critère thématique) à partir desquels se définit la

matière plus ou moins « noble » des personnes représentées (c’est par ce moyen que se différencie la comédie de la tragédie) ;

  • le mode de représentation (critère énonciatif) suivant que les objets sont imités par le récit (ce qui suppose une énonciation à la première ou à la troisième personne) ou bien par la représentation directe (sous la forme de dialogue de théâtre).

4.2. La triade canonique

l semble en réalité que ce soit les successeurs de Platon et d'Aristote qui, par une lecture « moderne » des écrits antiques, aient contribué à établir une division tripartite des genres. Ducrot et Todorov font référence à l'apport de Diomède, un grammairien latin du IVe siècle, qui a « systématisé Platon » en proposant les définitions suivantes : le lyrisme correspond aux œuvres où seul l'auteur s'exprime; le dramatique englobe celles où seuls les personnages parlent; et l'épique concerne les œuvres où l'auteur et les personnages prennent tour à tour la parole.

Cette tripartition, qui allait devenir très influente, est en fait le résultat d'une interprétation forcée des penseurs grecs. Elle sera reprise par la suite par les théoriciens de l'époque classique, comme Boileau ou Rapin, qui ont tenté de classer les œuvres selon les genres, validant ainsi la prétendue orthodoxie aristotélicienne. Cette approche est également adoptée par l'abbé Batteux au XVIIIe siècle qui, en assimilant le dithyrambe à la poésie lyrique (puisque dans les deux cas, le poète s'exprime en son nom propre), arrive à ce qu'il appelle les trois « couleurs » de l'œuvre littéraire : la poésie lyrique, l'épopée et le théâtre.

Cette division, indûment attribuée à Platon ou à Aristote, deviendra une norme incontestable pour le romantisme allemand, particulièrement chez les frères Schlegel, en particulier Friedrich, qui au début du XIXe siècle, établit trois « formes » de genres : lyrique, épique, dramatique, différenciées par leur niveau de subjectivité (respectivement appelées « subjective », « subjective-objective », « objective »), et introduit l'idée d'une priorité historique de l'épopée. Après eux, Hölderlin, Schelling, Goethe et Hegel reprendront ce schéma tripartite, qui sera largement diffusé tout au long du XIXe siècle et même au XXe.

Les théoriciens ont tendance à élaborer des systèmes qui imposent une certaine cohérence, au risque de distordre, comme le déplore Genette, les analyses des Anciens et la diversité du champ littéraire :

"L'histoire de la théorie des genres est toute marquée par ces schémas fascinants qui à la fois informent et déforment la réalité souvent hétérogène du champ littéraire, prétendant découvrir un « système » naturel là où ils construisent une symétrie artificielle à coups de fausses fenêtres." (Introduction à l'architexte, p. 26.)

5. Le débat théorique

Deux conséquences découlent de ce qu’on appelle communément le « modèle aristotélicien » : d'une part, une adhésion inconditionnelle à la triade classique des genres, qui est désormais considérée comme la norme légitime pour toute description littéraire, justifiée par le « principe d'autorité » ; d'autre part, un besoin épistémologique de justifier, clarifier, amender ou contester cette tripartition en introduisant divers correctifs. En d'autres termes, les théoriciens modernes – en particulier ceux des cinquante dernières années, où le débat s'est considérablement radicalisé – ont ressenti le besoin de redéfinir les genres à travers des critères distinctifs basés sur des approches spécifiques. C’est sur ce travail d’approfondissement et de réévaluation – limité ici à ses aspects essentiels

5.1. Fiction et non-fiction

La triade héritée des Anciens reposait sur le principe que les créations littéraires incarnent un certain degré de mimésis, c’est-à-dire qu'elles « représentent » ou « simulent » des actions et des événements. Le poète (du grec « poièsis », qui signifie création) devait produire des récits et, à ce titre, devenait créateur de fiction.

L'assimilation du terme « fiction » à celui de « mimésis » a été réalisée par la poéticienne Käte Hamburger dans "La Logique des genres littéraires", où elle établit un premier genre fondamental, le fictionnel ou mimétique, dans lequel le « je » de l'auteur ou du narrateur s'efface au profit d'un « je » fictif incarné par le ou les personnages, appelé par la théoricienne « je-origine ». Ce genre fondamental se divise en deux sous-catégories, l'épique (ou narratif) et le dramatique, selon le mode d'énonciation utilisé.

Un autre genre se définit par rapport au précédent : celui-ci rejette la fiction et s'exprime à travers un « je-lyrique » qui sert de sujet d'énonciation et crée une impression de réalité. Cela correspond au deuxième grand genre, le lyrique, qui est non fictionnel et est principalement illustré par la poésie. Gérard Genette résume cette approche comme suit : « Le nouveau système, avec ses innombrables variations sur la triade épique-dramatique-lyrique, consiste donc à renoncer au monopole de la fiction au profit d'une sorte de duopole, plus ou moins explicite, où la littérarité s'attache désormais à deux grands types : d'un côté, la fiction (dramatique ou narrative), de l'autre, la poésie lyrique, souvent désignée simplement par le terme "poésie". » (Fiction et Diction, Paris, Éd. du Seuil, coll. « Poétique », 1991, p. 21.)

Cette nouvelle répartition semble finalement assez proche des catégories établies par les « pères fondateurs ». Cependant, elle se distingue par l'opposition primordiale entre fiction (mimésis) et non-fiction. Elle accorde également une importance nouvelle au genre poétique, qui est ainsi reconnu au même niveau que les deux autres.

5.2. Modes, genres, archigenres

Dans un texte antérieur, datant de 1979, Gérard Genette propose une distinction qui mérite d'être soulignée. En revisitant la division ternaire attribuée à Aristote, qui se concentrait principalement sur des aspects énonciatifs, Genette suggère d'utiliser le terme "modes" pour décrire ces catégories, car elles relèvent de la linguistique ou, plus précisément, de ce que l'on appelle aujourd'hui la pragmatique. À l'inverse, le mot "genre" devrait être réservé à des "catégories proprement littéraires", c’est-à-dire à des groupes d'œuvres identifiées de manière empirique dans la production historique, reconnaissables grâce à des thèmes communs. Pour souligner la nature englobante de ces catégories, Genette propose le terme "archigenres" :

"Tous les sous-genres, genres ou super-genres [...] sont des classes empiriques, établies par observation des données historiques, ou, à la limite, par extrapolation à partir de ces données." (Introduction à l'architexte, op. cit., p. 143.)

Cela signifie que ces "archigenres" sont essentiellement des constructions théoriques qui dépendent d'une période historique donnée, plutôt que des entités idéales ou naturelles. La confusion qui a contribué à discréditer la division générique, souvent jugée réductrice ou inadaptée, surtout appliquée à des œuvres modernes, découle du fait qu'un terme comme "épique" peut désigner à la fois un mode d'énonciation (la narration) et un genre (l'épopée). De même, le mot "dramatique" peut désigner un type d'écriture (celle du théâtre) ou un genre (comme la tragédie, la comédie, le drame). Cette ambiguïté se retrouve également dans le terme "lyrique", qui peut englober l'élégiaque, le satirique, et d'autres sous-genres.

Genette ne propose pas de rejeter complètement le système d'Aristote, qu'il considère « dans sa structure plutôt supérieur (c’est-à-dire, évidemment, plus efficace) à la plupart de ceux qui l'ont suivi » (ibid., p. 150), mais il recommande de l'utiliser avec précaution. Il suggère de distinguer les éléments qui permettent de décrire les textes : les modes (comme le narratif ou le dramatique), les thèmes (majeurs ou mineurs), les formes (comme la métrique ou la rhétorique), et enfin les genres, à replacer dans un système qui refuse une "taxinomie inclusive et hiérarchisée, qui à chaque fois bloque tout jeu et conduit à une impasse" (ibid.).

5.3. Pragmatique et « horizon d’attente »

Dans l'analyse moderne des œuvres littéraires, il est devenu essentiel d'intégrer la relation entre le texte et son lecteur comme une donnée opérationnelle. Cette relation permet de définir la pragmatique, un terme emprunté à la linguistique, qui désigne la relation entre un signe et son utilisateur. Appliquée à la littérature, la pragmatique vise à prendre en compte et à étudier les divers actes du langage en fonction du contexte et du type de relation entre l'énonciateur et son public.

C'est sur ce principe que Mikhaïl Bakhtine établit une distinction qui englobe les "genres du discours", y compris les genres littéraires. Il identifie d'une part des genres premiers, des formes de discours simples comme une conversation quotidienne, un récit informel, une lettre personnelle, et d'autre part des genres seconds, qui émergent des premiers à travers une transformation vers une plus grande complexité. Selon Bakhtine: "Le roman dans son ensemble est un énoncé au même titre qu'une réplique dans une conversation quotidienne ou qu'une lettre personnelle; ce qui distingue le roman, c'est qu'il est un énoncé second (complexe)." (Mikhaïl Bakhtine, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, 1984, "Les genres du discours", p. 267.)

L'analyse de Bakhtine réintègre les œuvres littéraires dans le domaine de l'activité humaine où le langage joue un rôle central. Cependant, elle néglige la notion de "littérarité" qui est propre aux textes littéraires et qui n'est pas forcément présente dans d'autres formes de discours.

Cette fonction de "littérarité" (définie par Jakobson) est au contraire au cœur de la réflexion menée par les théoriciens de l'École de Constance, notamment par Hans-Robert Jauss. Selon lui, une œuvre d'art se définit par "l'intensité de son effet sur un public donné." Cela signifie que la réception d'une œuvre peut varier selon l'époque, le pays, la civilisation, et dépend de ce que Jauss, en s'inspirant de Husserl, appelle un "horizon d'attente." Ce consensus conventionnel confère au texte littéraire, presque indépendamment de son auteur et de ses intentions, une "norme esthétique" qui guide sa réception, sa réputation, et par conséquent, sa classification.

Ainsi, le genre est moins défini par l'application d'un modèle préexistant ou par le respect d'un code abstrait, que par la matérialisation d'un "pacte" entre l'œuvre et le public, ou, comme le dit Maingueneau, par un "contrat littéraire" plus ou moins conforme aux limites d'un genre. Les travaux de Philippe Lejeune sur l'autobiographie illustrent bien ce concept à travers le "pacte autobiographique."

Cette référence à des attentes partagées permet d'élargir la notion de "genre" à des formes littéraires diverses—souvent appelées "types", "modes" ou "écritures"—comme le récit fantastique, le roman sentimental, l'autobiographie, le récit de voyage, etc.

5.4. Genres et rhétorique

Après avoir déploré le manque d'une "analyse cohérente" des genres, le critique canadien Northrop Frye, dans un chapitre de son livre "Anatomie de la critique" (1957), propose de jeter les bases d'une "théorie des genres" à partir de critères rhétoriques et pragmatiques. Il commence par examiner la base de la "division trinitaire" traditionnelle :

"L'origine des termes, drame, épopée, lyrique nous indique que le principe fondamental de la distinction des genres est particulièrement simple. La définition générique en littérature repose sur la forme de présentation. La parole peut être mimée devant des spectateurs, déclamée devant des auditeurs, psalmodiée ou chantée, ou écrite à l'intention d'un lecteur [...]. Il n'en reste pas moins que la critique des genres repose sur la rhétorique dans le sens où le genre est déterminé par la manière dont la communication entre le poète et son public s'établit." (N. Frye, Anatomie de la critique, trad. fr., Paris, Gallimard, 1969, p. 300.)

Cependant, Frye souligne que cette loi de présentation a perdu de sa pertinence dans un contexte où tous les textes sont écrits. En outre, au sein d'un genre destiné à être lu, comme le roman, différentes séquences (dialogues, narrations intercalées, etc.) peuvent se rapprocher de la parole déclamée, et certains poèmes peuvent être mimés comme des œuvres dramatiques. En tenant compte de ces limites, Frye propose une nouvelle classification à quatre niveaux :

  1. L'épos : regroupe toutes les œuvres littéraires, en vers ou en prose, qui semblent tenir compte de la convention d'une exposition orale devant un auditoire.
  2. La fiction : bien que Frye regrette de ne pas disposer d'un meilleur terme, il utilise celui-ci pour désigner le "genre littéraire caractéristique de l'œuvre imprimée", qui inclut le conte, le roman, la poésie non lyrique, et l'essai.
  3. Le dramatique : le genre où l'auteur s'efface pour placer ses "personnages hypothétiques" directement face à l'auditoire.
  4. La poésie lyrique : dans laquelle "la parole ne s'adresse pas au public. [...] Le poète lyrique est censé se parler à lui-même, ou à un auditeur spécialement choisi : un esprit de la nature, la Muse [...], un ami, une personne aimée [...]."

Dans cette conception, le genre est déterminé par le rapport d'implication entre l'auteur et son auditoire. La littérature, art mimétique par excellence, imite des situations que l'on rencontre dans la vie : le langage direct pour l'épos où le poète fait face à son auditoire, la pensée abstraite pour la fiction, les sons et les images pour le lyrisme, et le langage indirect pour le théâtre. De plus, il est possible de hiérarchiser les quatre modes : "l'épos et la fiction occupent dans la littérature une position centrale, entre le lyrisme d'une part, et la présentation dramatique de l'autre" (ibid., p. 303).