Lorsqu’un individu est confronté à deux langues qu’il utilise tour à tour, il arrive qu’elles se mélangent dans son discours et qu’il produise des énoncés « bilingues ». Il ne s’agit plus ici d’interférence mais, pourrait-on dire, de collage, du passage en un point du discours d’une langue à l’autre, que l’on appelle mélange de langues (sur l’anglais code mixing) ou alternance codique (sur l’anglais code switching), selon que le changement de langue se produit dans le cours d’une même phrase ou d’une phrase à l’autre. (Calvet, sus-cité). Pour James Walker, 2005 « L'alternance codique se produit quand un locuteur bilingue change de langue au sein d'une seule et même conversation ». Mais « L'analyse de l'alternance codique n'est pas de tout repos car il est souvent difficile de distinguer entre les alternances et les emprunts non-assimilés (…) [Ainsi] En général, les mots en isolation sont toujours considérés comme des emprunts [bien que]des séquences de mots [puissent] être analysées comme des emprunts plutôt que comme des alternances, surtout si elles sont précédées d'une marque d'hésitation ou un commentaire métalinguistique comme "comme on  dit ‘en telle langue’." 

Il existe trois types d’alternance codique :

Alternance intraphrastique : s'effectuent à l'intérieur d'un même énoncé, d'une même phrase. Exemple :

Une différence que de notre temps they like to be entertained à la place de entertain themselves.

Alternance interphrastique : passages d'une langue à l'autre à la frontière de la phrase ou de l'énoncé. Exemple:

OK...Ben...Une fois à l'école j'ai assis sur une chaise pis ça a brisé. And everybody laughed so I was totally embarrassed. Eh... Umm... Oui.

Je trouve les jeunes ils disent oh it's boring. (= c’est ennuyant)

Alternance extraphrastique : insertion dans la phrase d'expressions idiomatiques, de formes figées, d'interjections, pouvant être insérées à n'importe quel point de la phrase. Exemple :

Vraiment, I guess (=j’imagine), il y avait des complications…

Pour Calvet, l’alternance d’une langue à l’autre fonctionne le plus souvent comme citation d’un fragment de discours qui a été énoncé dans l’autre langue, ou comme façon d’ancrer le discours dans la réalité à laquelle il est fait référence : il n’y a pas, ici, de stratégie particulière.

Mais, il peut en être autrement, l’alternance codique ou le mélange de langues pouvant répondre à des stratégies conversationnelles, faire du sens : il cite alors quelques cas d’interaction où le contact de langue peut produire des situations dans lesquelles le passage d’une langue à l’autre revêt une signification sociale. (Voir Calvet, sus-cité, pages 29 à 35).

L'alternance codique peut être donc appréhendée comme stratégie de bilingue. Ainsi, selon Gumperz, la pratique de l'alternance codique dans une conversation est une stratégie de communication à travers laquelle le locuteur vise une signification particulière et non pas un simple mélange linguistique aléatoire et arbitraire. C’est-à-dire que ces alternances peuvent avoir des fonctions de nature aussi bien linguistiques qu’extralinguistiques (c'est-à-dire psychologiques ou sociales).

Gumperz (1989 : 73-84) établit une liste de fonctions suite à son approche des pratiques langagière des locuteurs alternant espagnol/anglais, hindi /anglais, slovène/allemand.

Les six fonctions dégagées sont :

a-Citations : l'alternance codique apparait comme citation ou comme discours rapporté qui se dit dans une langue différente de la langue du départ. ‘il a dit « I’am very happy to meet you »’

b- Désignation d'un interlocuteur : sert à adresser le message ou attirer l'attention d'un interlocuteur parmi plusieurs interlocuteurs présents. ‘saha « ala3mer » ça va (salut mon âme ça va ?)’.

c-Interjection : consiste à marquer une interjection ou un élément phatique. ‘même hna nroho car sans toi chwiya berk «hhh lol », by ma chérie‘

d- Réitération : consiste à répéter un même message dans deux langues différentes afin de clarifier ce qui a été déjà dit et à insister sur une certaine information. ‘Bezzaf  « c’est trop ! »’

e- Modalisation d'un message : Cette fonction sert à préciser le contenu d'un message produit dans une langue par le biais d'un deuxième message énoncé dans une autre langue que la première : le trois ? eh bein il a fait froid à la plage, mais c’était impeccable quand même ghaya kima ngoulou ghayat él ghaya (c’est très bien comme on dit très très bien)

f- Personnalisation versus objectivation : l'alternance codique marque ici la différence d'implication du locuteur par rapport à son message utilisé ici pour exprimer la personnalisation et l'objectivation du message. Ainsi, lorsque les locuteurs changent de langue pour se distancer du contenu du message ou y affirmer une certaine autorité. « We  Hna » (et nous) on a appris à être poli, respecté, respectueux « Hna âandna » (nous nous avons) le client c’est roi, c’est un… vraiment c’est le chouchou « taâna » (notre chouchou) le client. (Voir http://dspace.univ-tlemcen.dz/bitstream/112/9644/1/louati-chabane.pdf

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00496990/document

http://www.univ-bejaia.dz/dspace/bitstream/handle/123456789/820/L%E2%80%99alternance%20codique%20dans%20les%20conversations%20des%20lyc%C3%A9ens%20sur%20facebook.pdf?sequence=1&isAllowed=y

https://www.memoireonline.com/10/13/7486/m_L-alternance-codique-dans-l-emission-radiophonique-media-mania--de-Jijel-FM6.html

Last modified: Friday, 14 February 2020, 1:50 AM