Les langues approximatives :
Ces langues sont le fait de :
On y trouve, selon Calvet, des approximations dont les caractéristiques montrent bien l’origine linguistique du locuteur :
Ces formes approximatives sont appelées sabirs, c’est-à-dire «des systèmes linguistiques réduits à quelques règles de combinaison et au vocabulaire d’un champ lexical déterminé, ce sont des langues composites (formées d’éléments très différents) nées de contact de deux ou plusieurs com-munautés linguistiques différentes qui n’ont aucun autre moyen de se comprendre dans les transactions commerciales. Les sabirs sont des langues ayant une structure grammaticale mal caractérisée et un lexique pauvre, limité aux besoins qui les ont fait naître et qui assure leur survie ». (Dictionnaire de Linguistique, Larousse). Le mot sabir vient lui-même d’une prononciation légèrement altérée du mot espagnol saber (qui veut dire « savoir ») dans la « lingua franca » des ports méditerranéens. Par exemple :
Se Ti sabir « Si tu sais » ;
Se non sabir « si tu ne sais pas » ;
Ti respondir « Tu réponds » (Tiré de Molière, Le Bourgeois gentilhomme, Acte IV, scène V).
Dans la seconde moitié du 19e siècle et jusqu’aux indépendances, le terme de sabir a connu des extensions de sens et s’est employé au Maghreb pour désigner le discours des arabophones ayant acquis des rudiments de français en contexte extra-scolaire mais incapables de produire des énoncés « corrects » dans cette langue. Certains linguistes ont employé le terme de pseudo-sabir pour désigner de tels discours ; en effet, ils se distinguent des discours en lingua franca (ou en vrai sabir) par le fait qu’ils ne sont pas bilatéraux (les vrais francophones n’essaient pas de s’exprimer de cette façon) et qu’ils sont dans une certaine mesure inconscients (le locuteur de pseudo-sabir tente de s’exprimer dans ce qui s’approche le plus de ce qu’il croit être le français, contrairement aux locuteurs de lingua franca qui savaient bien qu’ils ne parlaient pas vraiment l’italien ou l’espagnol, mais une sorte de mélange simplifié de ces deux langues). Dans un vocabulaire un peu plus moderne, relevant de la didactique des langues, on parlerait plutôt d’interlangue ; ce terme désigne les productions langagières des apprenants de langue étrangère. Éventuellement, on pourrait ajouter : interlangue avec fossilisation des erreurs, dans les cas où cette interlangue se fixe dans une forme qui ne progresse plus. (André THIBAULT http://andre.thibault.pagesperso-orange.fr/LingCompSemaine10.pdf).
Ces formes, qu’on appelle des sabirs, sont donc utilisées à l’origine entre des communautés n’ayant pas de langue commune mais entretenant par exemple des relations commerciales. Il s’agit d’un système extrêmement restreint : quelques structures syntaxiques et un vocabulaire limité à des besoins de communication particuliers. Lorsque ces formes couvrent des besoins de communication plus larges, que leur système syntaxique est plus étoffé, on parle de pidgins, le premier exemple en étant le pidgin english qui s’est développé dans les contacts commerciaux entre Anglais et Chinois le long des côtes de la mer de Chine, empruntant son vocabulaire à l’anglais et sa syntaxe au chinois (l’origine du mot pidgin serait d’ailleurs dans la déformation du mot anglais business, ce qui indiquerait bien la fonction sociale de cette forme linguistique). Ces formes approximatives, au contraire des formes individuelles attestées dans les situations d’acquisition, ne sont en général pas destinées à évoluer vers une meilleure pratique de la langue : elles sont simplement des auxiliaires, que l’on utilise dans une situation de contact.