▪ Affirme le caractère social de la langue.▪ Fait converger et associe une approche interne et une approche externe des faits de langue.▪ Associe approche synchronique et approche diachronique et cherche à expliquer la structure par l’histoire.
Il se distingue ainsi de Saussure qui, selon lui, « en séparant le changement linguistique des conditions extérieures dont il dépend, le prive de réalité ; il le réduit à une abstraction qui est nécessairement inexplicable ». Pour Louis-Jean Calvet (La sociolinguistique, PUF, 1993, p. 6-7) «Tout oppose les deux hommes dès lors qu’on se place sur le terrain de la linguistique générale. Alors que Saussure cherche à mettre au point un modèle abstrait de la langue, Meillet est tiraillé entre le fait social et le système où tout se tient : pour lui on ne peut rien comprendre aux faits de langue sans faire référence au social et donc sans faire référence à la diachronie, à l’histoire ».
A la suite de Meillet, beaucoup d'autres noms marqueront la constitution de la sociolinguistique comme discipline linguistique différenciée par son objet et ses méthodes :
Basil Bernstein (1924-2000), spécialiste anglais de la sociologie de l’éducation, qui va être le premier à prendre en compte à la fois les productions linguistiques réelles (ce que ne faisaient que très peu les auteurs s’inspirant du marxisme) et la situation sociologique des locuteurs. Il va partir de la constatation que les enfants de la classe ouvrière présentent un taux d’échec scolaire beaucoup plus important que ceux des classes aisées. Il va, à partir d’expériences, distinguer deux codes, l’un dit restreint (caractéristique des couches sociales défavorisées), l’autre dit élaboré (propre aux couches aisées). La maîtrise de ce dernier code permet à cette frange aisée de la société de s’assurer le pouvoir à travers l’hégémonie symbolique, le prestige et la légitimité liés à cette variété qui devient la norme. Ses travaux ont été les premiers à tenter la description des différences linguistiques partant des différences sociales. Sa thèse principale est que l’apprentissage et la socialisation sont marqués par la famille dans laquelle les enfants sont élevés, que la structure sociale détermine entre autres choses les comportements linguistiques. Bien qu’il se soit vu critiquer par ses pairs, notamment par Labov, et ses travaux de moins en moins cités, Bernstein n’en a pas moins représenté un tournant dans l’histoire de la sociolinguistique et été, comme le dit Louis Jean Calvet, une sorte de catalyseur, d’accélérateur dans cette lente progression vers une conception sociale de la langue.
William Bright qui a été l’origine d’une conférence sur la sociolinguistique qui a réuni 25 chercheurs à Los Angeles du 11 au 13 mai 1964. Dans son introduction aux actes de cette rencontre, on peut lire que « l’une des tâches majeures de la sociolinguistique est de montrer que la variation ou la diversité n’est pas libre, mais qu’elle est corrélée avec des différences sociales systématiques ». Cette rencontre de mai 1964 marque en effet la naissance de la sociolinguistique qui s’oppose au structuralisme, notamment de Chomsky et de la grammaire générative. Cela dit, il faut préciser que Bright continuait à ne pouvoir concevoir la sociolinguistique que comme une approche annexe des faits de langue, qui vient en complément de la linguistique ou de la sociologie et de l’anthropologie.
William Labov, avec qui la conception de Bright s'estompera. Il définira ainsi son objet d'étude comme étant « la structure et l’évolution du langage au sein du contexte social formé par la communauté linguistique ». Ainsi, les sujets considérés relevant du domaine ordinairement appelé “linguistique générale” : phonologie, morphologie, syntaxe et sémantique […], il n'hésiterait pas, s’il n’était pas nécessaire de marquer le contraste entre ce travail et l’étude du langage hors de tout contexte social, à dire volontiers qu’il s’agit là tout simplement de linguistique.
En conclusion, nous retiendrons que la naissance de la sociolinguistique proprement dite est liée aux noms de trois linguistes : William Labov (pour la linguistique variationniste), John Gumperz (pour la linguistique interactionniste), et Dell Hymes (pour l’ethnographie de la communication).