Introduction
« L’homme est un animal sociable » disaient les grands philosophes Al- Frabi, Ibn-Khaldoun et Aristote pour qualifier l’être humain à travers cette caractéristique constitutive qui conditionne depuis l’aube de l’humanité son comportement et son existence sur terre. Cette sociabilité se manifeste essentiellement par son désir de partager, de communiquer, de rester toujours lié à la masse par divers moyens. La communication est alors pour le lui le moyen par excellence pour s’intégrer au groupe, pour s’en différencier et pour rester dans le stade de la sociabilité. Elle est vitale et indispensable à son existence.
La communication telle qu’elle est connue aujourd’hui sous le signe des nouvelles technologies est à l’apogée de son développement. Au départ, elle était très loin de ces processus complexes qui permettent aux humains de rester connectés les uns aux autres tout le temps. L’homme dessinait des fresques sur les murs des grottes pour laisser son histoire, son vécu du quotidien. Par la suite est apparue l’écriture et c’est là le point de départ d’une nouvelle ère pour l’humanité. La communication repose désormais sur l’écrit qui occupe une place privilégiée.
A travers l’écrit sont produits des textes, des discours appartenant à des domaines socio-professionnels différents. La lecture tout autant que la production de ces textes est un processus complexe et hétérogène, pour l’étudier il est indispensable de l’aborder, d’abord, comme une forme de la communication, c’est ce que nous allons découvrir à travers ce cours.
1- Définition de la communication
Le dictionnaire le Littré propose la définition suivante :
Étymol. et Hist. 1. Ca 1370 communiquer a qqc. « participer à quelque chose »);communiquer ensemble « être en rapport mutuel, en communion avec » 2. 1548 « faire part (d'une nouvelle) »; 3. 1585 « transmettre (une maladie) » 4. 1690 (Fur. : L'aimant communique sa vertu au fer); 2emoitié xviiies. tubes communiquans ([Aimé-Henri]; 5. av. 1704 « être en communication au moyen d'un passage ». Emprunté. au latin classique communicare « avoir part, partager » puis « entrer en relation avec ».
2- Les composantes de la communication
Elle permet de faire parvenir un message, la communication requiert au moins deux protagonistes pour se faire; elle est trichotomique car elle repose sur trois composantes : émetteur - message - receveur ou Expéditeur - message – destinataire :
L’émetteur est celui qui émet un message, il est appelé également destinateur.
Le récepteur est à qui est adressé le message, il est également appelé destinataire.
Le message est le centre autour duquel tourne la communication, c’est l’ensemble des informations transmises lors de l’échange.
3- Le processus de la communication
La communication interpersonnelle est basée sur l'échange d'un émetteur et d'un récepteur autour d'un message. Entre humains, c'est la base de la vie en société. C'est là en général que la compréhension est la meilleure, mais le nombre de récepteurs est limité à une seule personne. La rétroaction est quasi systématique. Il y a notamment le téléphone, la conversation orale... Mais la communication n'est pas qu'orale. Elle est aussi non verbale.
La communication passe donc aussi par le corps. Ainsi, elle sera non verbale ou plutôt non verbalisée. La communication non verbale peut-être para-verbale c'est-à-dire qui accompagne la voix.
Mimiques et posture font parties de la communication. Des gestes risquent de faire passer un message comme plus fort, plus prononcé que ce que l'on dit. Le ton d'un message est aussi une forme de non-verbal. C'est cette base, le non-verbal, qui définit par exemple ce qu'on appelle le jeu d'un acteur, au théâtre.
Remarquons enfin que parfois que la communication est dite holistique - c'est-à-dire hétérogène et entier qui fait intervenir le tout de l'homme - pour souligner l'importance de l'environnement, des interférences environnementales dans la communication.
3- On ne peut pas ne pas communiquer
Que l'on se taise ou que l'on parle, tout est communication. Nos gestes, notre posture, nos mimiques, notre façon d'être, notre façon de dire, notre façon de ne pas dire, toutes ces choses « parlent » à notre récepteur. La communication est aussi une forme de manipulation. En effet, nous communiquons souvent pour manipuler, modifier l'environnement ou le comportement d'autrui.
La première question à poser au début de toute réflexion sur une communication : «à qui vais-je m'adresser?» En se posant cette question on arrive à élaborer une stratégie de communication qui commence. En somme, bien communiquer c'est avant tout interroger soi- même sur les autres pour mieux niveler la communication.
4- L'importance de la parole dans la communication
Depuis que l'homme est devenu humain, après une période de primitive. La parole reste le moyen primordial irremplaçable de son expression, de son existence. Le droit à la parole s'assimile à la liberté. Pas de vraie liberté sans la possibilité d'avoir, de prendre la parole. Elle reste également le premier moyen qui nous permet d’accéder au langage; l’apprentissage de la langue se fait d’abord à travers la parole. Aussi la parole est un moyen peu coûteux en matière d’efforts pour communiquer en comparaison avec l’écrit par exemple qui nécessite davantage d’efforts.
En étant écouté, la parole n'est pas un soliloque. Elle va vers l'autre pour être entendue, reçue, comprise. Toute parole exige au moins deux partenaires. Une réflexion sur l'expression orale ne peut exclure un rappel, une brève méditation de l'écoute. Dire, écouter, sont indissociables, les deux branches d'un même tronc où circule la sève vitale de la communication. Toute parole dite est faite pour être entendue.
La parole est le propre de l'homme. Le droit à la parole est vital et universel. Nous avons tous quelque chose à dire et besoin de la partager pour prendre notre pleine dimension, d'hommes ou de femmes. Il n'est pas question de tout dire à tort et à travers, mais de surmonter blocages et isolements. Les problèmes de communication, d'expression ne se résolvent pas par le perfectionnement des machines. L'irrémédiable solitude de tout être humain ne sera pas atténuée par la multitude des gadgets ou instrument sophistiqués: magnétophones, vidéo, téléphone…
Voilà ce qu’il en est de la communication dans les différents domaines, voyons ce qu’il en est de la communication dans le domaine des sciences du langage.
5- La communication en sciences du langage
« La communication est l’échange verbal entre un sujet parlant, qui produit un énoncé destiné à un autre sujet parlant, et un interlocuteur dont il sollicite l’écoute et/ou une réponse explicite ou implicite (selon le type d’énoncé). Sur le plan psycholinguistique, c’est le processus au cours duquel la signification qu’un locuteur aux sons est la même que celle que l’auditeur associe à ces mêmes sons. » Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, J. Dubois et Al.
L’intérêt pour la communication en tant que processus en sciences du langage a commencé avec les fonctionnalistes de l’école de Prague: Jakobson, Troubetzkoy, Martinet qui ont décelé au langage une fonction première qui es la communication, autour de laquelle gravitent différentes autres fonctions, comme le précise Jakobson dans le passage suivant:
Le langage doit être étudié dans toute la variété de ses fonctions. (…) Pour donner une idée de ces fonctions, un aperçu sommaire portant sur les facteurs constitutifs de tout procès linguistique, de tout acte de communication verbale, est nécessaire. Le destinateur envoie un message au destinataire. Pour être opérant, le message requiert d’abord un contexte auquel il renvoie (c’est ce qu’on appelle aussi, dans une terminologie quelque peu ambiguë, le « référent »), contexte saisissable par le destinataire, et qui est, soit verbal, soit susceptible d’être verbalisé. Ensuite, le message requiert un code, commun, en tout ou au moins en partie, au destinateur et au destinataire (ou, en d’autres termes, à l’encodeur et au décodeur du message); enfin, le message requiert un contact, un canal physique et une connexion psychologique entre le destinateur et le destinataire, contact qui leur permet d’établir et de maintenir la communication. Ces différents facteurs inaliénables de la communication verbale peuvent être schématiquement représentés comme suit :
CONTEXTE
DESTINATEUR…. MESSAGE …. DESTINATAIRE
CONTACT
CODE
6- Les éléments du schéma de la communication
Chacun de ces six facteurs donne naissance à une fonction linguistique différente. Essais de linguistique générale Roman Jakobson ,1963.
Le destinateur : celui qui envoie le message oralement ou par écrit, il peut s’agir d’un individu ou d’un groupe (entreprise)
Le destinataire : celui qui le reçoit. Il peut s’agir d’un individu, d’un groupe, d’un animal ou même d’une machine (ordinateur)
Le contexte : c'est l'ensemble des conditions sociales (Lieu+temps), il est aussi désigné par référent, c'est-à-dire les choses du monde réel, imaginaire ou symbolique auxquels réfères les signes ou les symboles utilisés pour la communication.
Le message : c'est le discours, le texte, ce qu'il «faut faire passer», lorsqu'il y a un message, cela suppose un codage et un décodage, d'où la présence du code.
Le canal : c'est la liaison physique et psychologique entre le destinateur et le destinataire.
Un moyen oral ou écrit.
Le code : Ensembles de signes et de règles de combinaison de ces signes. La langue française (par exemple).
Roman Jacobson est un linguiste et un théoricien de la communication qui a conçu un modèle qui permet de réfléchir sur la communication et qui permet de comprendre les nombreux facteurs intervenant dans chaque situation de communication.
7- Les fonctions du langage
A- La fonction expressive : La fonction expressive est centrée sur le destinateur ou l’émetteur; c’est le rôle des émotions qui entre en jeu. Exemples : «Comme c’est agréable de sentir la douceur de ce vent sur la peau.»
«Je rougis de satisfaction.»
B- La fonction conative ou expressive : La fonction conative permet de centrer la portée du message sur les effets produits chez le destinataire ou le récepteur. Les ordres, les défenses et les conseils en sont des illustrations. Exemples : «Formez des équipes de travail.» «Entrez.», «Ne vous inquiétez pas trop.»
C- La fonction phatique La fonction phatique sert à manifester «l’orientation du message ou le prolongement du contact». Exemples : «Allô !»«Écoutez bien.» «Bonjour, il fait beau ce matin.»
D- La fonction métalinguistique : La fonction métalinguistique est centrée sur le code. C’est le discours sur le discours. Exemples :Vaut mieux dire : «Je me suis coupé.» que «Je m’ai coupé.» Le mot «le» peut être un déterminant ou un pronom.
E- La fonction poétique : La fonction poétique porte sur les structures du message lui-même, ses structures expérientielles, interpersonnelles et textuelles. Exemples : «Ne me bois qu’avec les yeux et je m’engagerai avec les miens.», «J’ai un amour qui ne veut pas mourir,…»
F- La fonction référentielle : Le message est centré sur le référent, le sujet même du message. Le langage décrit le monde ; il s’agit bien souvent de la fonction primordiale du langage. Elle porte aussi sur le contexte qui fait l’objet du message. Exemples : Le chien est carnivore.», «Sourire est le propre de l’être humain.» «il fait beau aujourd’hui.»
8- Situation de communication et situation d’énonciation
Dans le langage humain la situation de communication est toujours dédoublée d’une situation d’énonciation de laquelle elle se distingue, malgré le fait que souvent l’une est assimilée à l’autre. Que distingue l’une de l’autre alors?
Situation de communication |
Situation d’énonciation |
La situation de communication est la situation dans laquelle on communique avec quelqu'un d'autre. |
La situation d'énonciation est une situation de communication dans laquelle des interlocuteurs produisent un message oral ou écrit par le langage.
|
9- La situation d’énonciation : les indices et plans énonciatifs
On appelle situation d’énonciation la situation précise dans laquelle on se trouve quand on communique.
L’énonciateur (la personne qui s’exprime), produit un énoncé (ce qui est dit ou écrit) à un destinataire, à un moment et dans un lieu donné. (Qui parle ? à qui ? où ? quand ?)
Si la situation d’énonciation a besoin d’être clairement définie, c’est à dire s’il est nécessaire de comprendre qui sont les personnes, le lieu, le moment de la situation pour comprendre le texte, alors l’énoncé est ancré dans la situation d’énonciation et le plan d’énonciation adopté serait l’énonciation discursive.
Si la situation d’énonciation n’a pas besoin d’être clairement définie, s’il n’est pas nécessaire de savoir qui est l’énonciateur, où il se trouve, le moment où il s’exprime pour comprendre l’énoncé, alors l’énoncé est coupé de la situation d’énonciation ( aucune trace de l’énonciateur ), il s’agira alors de l’énonciation discursive.
Le tableau suivant reprend avec plus de détails la différence entre l’énonciation discursive et l’énonciation historique.
Enoncé |
Exemples |
Indices personnels |
Indicateurs de temps et de lieu |
Temps des verbes |
Modalisateurs (indices de sentiments et de jugements de l’énonciateur) |
Plan d’énonciation dicursif |
Lettre, |
-Pronoms personnels et possessifs de la première et 2ème personne (Je, me, moi, tu, vous, le mien, le vôtre…) |
(près d’) ici, dans cette pièce, dehors, aujourd’hui, = déictiques* |
Présent d’énonciation, passé composé, futur, imparfait… |
-Adverbes : sans doute, certainement, peut-être, absolument |
Plan d’énonciation historique |
Récit (à la 3ème personne surtout |
Pronoms personnels de la 3ème personne : |
(non loin de) là, dans sa chambre, à l’extérieur, ce jour-là |
Passé simple, imparfait |
|
* déictiques = pronoms personnels, adverbes qui marquent la présence du locuteur.
Remarque : Il est rare qu’un texte soit écrit dans un seul plan énonciatif du début à la fin. Généralement, un texte mélange les deux types d’énoncés.
La 3ème personne peut se trouver aussi dans l’énonciation discursive. (Ex : dans une lettre, il est toujours possible de parler de quelqu’un d’autre que de soi ; dans ce cas, on utilise la 3ème personne.)
Conclusion
Maitriser l’écrit autant la compréhension que la production, ne peut se faire sans connaitre tous les paramètres qui font sa réussite ou son échec comme acte de communication. Ces paramètres sont à la fois d’ordre textuels, grammaticaux, énonciatifs et communicationnels. Leur connaissance est indispensable aussi bien pour la lecture et la compréhension que la production de l’écrit.