4. LES DIFFICULTES DE L’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FOS[1].

       Dans un contexte de plus en plus mondialisé, le FOS joue un rôle de premier plan visant à favoriser  les  échanges  entre  les  peuples.  Pourtant  l’enseignement/apprentissage  fait  face  à plusieurs difficultés qui seront détaillées ci-dessous.

4. 1. Les difficultés afférentes à l’apprentissage (de FOS)

       Il nous semble important de mettre l’accent sur les difficultés qu’affronte l’apprenant de FOS. Ces  difficultés  devraient  être  prises  en  considération  par  les  partenaires  du  processus d’enseignement-apprentissage  (institution  de  formation,  concepteur  de  programmes, formateur, etc.) afin de réaliser les résultats escomptés. La négligence de ces difficultés met à risque la réussite de l’apprentissage pour ne pas dire qu’elles peuvent mener à l’abandon des cours de FOS :

4. 1. 1. La difficulté de l’obligation

      Certains apprenants se voient obligés de suivre des formations en FOS par leurs institutions qu’elles soient professionnelles ou universitaires. Dans ces cas, ils n’ont pas la possibilité de choisir ce qu’ils veulent apprendre et surtout la langue de l’apprentissage. Dans le cadre des projets  communs  avec  des  entreprises  francophones,  certaines  directions  d’entreprises  dans des  pays  non francophones  imposent  à leurs personnels  de  faire du  FOS. Ce monopole de prise des décisions ne favorise pas chez le personnel candidat à l’apprentissage la motivation d’apprendre.  Une  telle  situation  a  des  conséquences  négatives,  d’une  part,  les  apprenants mettent  beaucoup  de  temps  pour  apprendre,  ce  qui  retarde  la  réalisation  du  projet  de l’entreprise. D’autre part, ce type de situation d’apprentissage aboutit souvent à des résultats négatifs,  l’apprenant  ne  s’investissant  pas,  son  niveau  reste  faible  voire  médiocre.  Nous retrouvons la même situation chez le public universitaire obligé, à un moment de son cursus, de  suivre  des  cours  de  FOS  sans  vraiment  prendre  conscience  de  l’utilité  d’un  tel apprentissage.

4. 1. 2. Le temps limité de l’apprentissage

        Le  temps  limité  consacré  à  l’apprentissage  FOS  est  un  des  obstacles  qui  empêchent  les apprenants  de  suivre  régulièrement  leurs  cours  de  FOS.  Le  manque  de  temps  constitue  la principale difficulté chez les apprenants de FOS notamment les publics professionnels. Ceux-ci  sont  occupés  par  les  engagements  de  leur  travail  qui  les  empêchent  d’être  réguliers  aux cours. Par conséquent, ces publics professionnels sont obligés de suivre les cours après une longue  journée  de  travail.  Alors,  ils  n’arrivent  ni  à  se  concentrer  ni  à  développer  les différentes  compétences  communicatives  visées  par  la  formation  suivie.  C’est  le  cas  par exemple des techniciens libanais qui se préparent à passer un stage dans une usine en France. Avant  leur  départ,  ils  suivent  des  cours  intensifs  en  mécanique  pendant  un  mois  au  terme duquel  ils doivent être prêts  à faire face  aux situations de communication au cours de leur formation professionnelle prévue. La difficulté du temps limité pourrait aussi se poser chez le public étudiant, souvent chargé par un emploi de temps lourd tout au long de la semaine. Dans une telle situation, ils suivent souvent les cours de FOS soit après une longue journée chargée des  cours  soit  pendant  le  week-end.  C’est  le  cas  des  étudiants  étrangers  (chinois,  turcs, vietnamiens, etc.) au département des langues étrangères à l’Université de Bordeaux III. 

4. 1. 3. La difficulté des déplacements 

        Certains apprenants de FOS sont incapables de suivre les cours parce qu’ils habitent loin du lieu  où  se  déroulent  les  cours.  C’est  pourquoi  ils  sont  souvent  obligés,  malgré  leur  temps limité,  de  se  déplacer  pour  suivre  leur  formation  de  FOS.  Cette  situation  est  notamment répandue dans les pays en voie de développement où ce type d’enseignement est limité aux grandes villes. Prenons l’exemple de l’Égypte où les cours de FOS ne sont disponibles que dans les grandes villes comme le Caire, Alexandrie, etc. Ceci empêche les habitants du Sud de ce  pays  d’assister  à  ces  cours  car  ils  sont  obligés  alors  de  se  déplacer  au  Caire  ou  à Alexandrie,  ce  qui  leur  pose  d’autres  difficultés.  D’une  part,  ils  ont  des  engagements professionnels et familiaux, donc ils ne peuvent pas être réguliers aux cours, d’autre part, ces déplacements coûtent cher et ils finissent souvent par renoncer à ces formations spécifiques.

 4. 1. 4. La difficulté financière

        Les apprenants doivent faire face aussi aux coûts élevés des cours de FOS. Ces tarifs élevés sont  déterminés  en  grande  partie  par  la  diversité  des  publics.  Ceux-ci  demandent  souvent d’apprendre le français dans une spécialité très pointue telles que la chirurgie esthétique, la chimie  organique,  l’ophtalmologie,  etc.,  les  groupes  constitués  pour  ce  type  de  formation comptent  généralement  peu  d’apprenants,  ce  qui  le  rend  très  cher.  Or,  le  concepteur  des programmes  passe  beaucoup  de  temps  à  analyser  les  besoins  langagiers  de  son  public,  à collecter  les  informations  sur  les  situations  de  communication  prévisibles,  à  traiter  les informations  recueillies,  à  élaborer  les  cours,  à  préparer  les  matériaux  pédagogiques nécessaires,  à  mener  les  activités  d’enseignement  et  à  évaluer  le  niveau  des  apprenants. Toutes  ces  étapes  préparatoires  exigent  beaucoup  d’efforts  et  de  temps  de  la  part  du concepteur pour travailler en définitive avec un nombre limité d’apprenants. Cette situation pousse la plupart des centres de langue à renoncer à proposer ce type de cours puisqu’ils sont par  conséquent  assez  coûteux.  Ces  centres  préfèrent  assurer  généralement  des  cours  très demandés par un grand nombre d’apprenants comme par exemple le français des affaires ou le français du tourisme. Par contre, les apprenants du français de la chimie organique ont une très faible chance de trouver un enseignant qui serait disponible pour assurer des cours dans leur  spécialité.  Ces  apprenants  finissent  dans  la  plupart  des  cas  par  abandonner  l’idée  de suivre une formation linguistique dans leur spécialité, pour pallier la situation, ils ont recours à des enseignants souvent non-spécialistes en FOS. 

 

4. 1. 5. La difficulté psychologique

       Certains apprenants de FOS ne vivent pas les difficultés mentionnées ci-dessus, cependant ils rencontrent un autre obstacle. Ils peuvent avoir le temps et les moyens financiers pour suivre une  formation  FOS,  ils  peuvent  habiter  près  du  lieu  de  l’enseignement  de  FOS,  mais  ils hésitent  à  reprendre  leurs  cours.  Cette  situation  est  remarquée  souvent  chez  les  cadres d’entreprises ou les grands responsables des institutions universitaires ou économiques. Ayant abandonné les études depuis un certain temps, ils se posent les questions suivantes : « puis-je suivre ces cours ? » ou ils se demandent encore : « puis-je réussir ces cours ? » ou « Suis-je capable  de  répondre  aux  questions  de  l’enseignant  ?  »  Ou  enfin  «  Suis-je  en  mesure d’affronter  cette  tranche  de  vie  commune  que  constitue  un  cours  ?  ».  Ce  sentiment d’insécurité psychologique pousse souvent ce type d’apprenants à renoncer à suivre les cours de FOS au détriment des avantages qu’ils peuvent en tirer. Tout concepteur des programmes de FOS devrait prendre en compte ces difficultés que les publics  spécialisés  affrontent.  La  prise  de  conscience  de  ces  obstacles  aide  à  trouver  des solutions pour surmonter les problèmes mentionnés ci-dessus.

 

4. 2. Les difficultés afférentes à  l’enseignement du FOS

        A partir de la problématique du FOS et de notre expérience d’enseignement dans ce domaine, nous avons constaté que les enseignants affrontent plusieurs difficultés.  

 

4. 2. 1.  Le manque de formation en FOS 

        Le manque de formation dans ce type d’apprentissage semble être la principale difficulté à laquelle le concepteur doit faire face. Etant une branche du FLE, le FOS est souvent méconnu par  les  enseignants  du  français  notamment  dans  les  pays  non  francophones.  Certes,  nous constatons  des  propositions  de  formation  pour  les  concepteurs  du  FOS  mais  elles  restent encore  limitées.  Souvent  de  formation  littéraire,  ces  enseignants  ont  du  mal  à  préparer  un cours de FOS. Ils ignorent sa réalité: son public, ses besoins, ses objectifs, sa méthodologie, etc.  Face  à  une  telle  situation,  les  enseignants  adoptent  deux  attitudes.  Soit  ils  refusent d'élaborer des cours de FOS, soit ils assurent les cours de FOS sans connaître sa méthodologie en  s’appuyant sur un manuel de FOS dans le domaine visé. Alors, la formation n'arrive pas à atteindre les objectifs des apprenants qui finissent par l'abandonner. 

4. 2. 2. L'absence de contact avec les apprenants avant la formation 

        Le  concepteur  de  l’enseignement  reçoit  normalement  la  demande  de  formation  de  la  part d'une institution sans pouvoir (parfois) prendre contact avec les apprenants pour bien identifier leurs besoins  langagiers  qu'il  faut  prendre  en  compte  lors  de  la  formation  prévue.  L'institution concernée  donne  au  concepteur  une  image  globale  des  besoins  des  apprenants.  Mais  cette image reste toujours la vision de l'administration  ou de l’entreprise et reste formulée par des responsables. Certes, le concepteur doit la prendre en compte mais l'absence du contact direct ou  indirect  avec  les  apprenants  rend  sa  tâche  plus  difficile  bien  qu’il  doive  formuler  des hypothèses sur les besoins langagiers et les situations cibles. Sans ce contact important, celui-ci  ne  peut  ni  confirmer  ni  infirmer  ses  hypothèses  avant  le  début  de  la  formation,  ce  qui l'oblige  à  modifier  souvent  le  contenu  au  bout  de  quelques  cours.  C'est  pour  cela  que  l’on recommande  à  tout  concepteur  des  cours  de  FOS  de  prendre  contact  direct  (entretiens, discussion,  etc.)  ou  indirect  (sondages,  grilles  d'analyse,  etc.)  avec  les  apprenants  avant  la formation.  Une  telle  démarche  contribue  à  mieux  connaître  le  niveau  des  apprenants  en langue cible, leurs objectifs, leurs besoins, etc. 

 

4. 2. 3. La spécialité du contenu des cours de FOS

        Dans le cadre des cours de FOS, le concepteur se trouve souvent chargé d'élaborer des cours dont il ignore plus ou moins le contenu. Cette difficulté pousse plusieurs enseignants à refuser d'élaborer  des  cours  de  FOS.  Le  concepteur  connaît  certainement  des  domaines  plus  que d'autres.  Par  exemple,  s'il  veut  préparer  des  cours  de  français  du  tourisme  pour  des réceptionnistes,  il  peut  avoir  une  connaissance  dans  ce  domaine  puisqu'il  a  déjà  voyagé  à l'étranger  où  il  a  vécu  des  situations  d’usages  en  tant  que  touriste  lui-même.  Mais,  le concepteur a du mal à élaborer, par exemple, des cours pour des médecins non francophones qui  s'apprêtent  à  passer  une  formation  dans  un  hôpital  français.  Donc,  il  est  incapable  de formuler  tout  seul  des  hypothèses  sur  les  situations  de  communication  qu'affronteront  ces médecins  lors  de  leur  formation  en  France.  Dans  ce  cas,  il  doit  prendre  contact  avec  ses apprenants,  des  spécialistes  et  les  responsables  de  la  formation  prévue.  La  spécialité  du contenu  des  cours  et  sa  longue  préparation  ne  font  que  pousser  beaucoup  d'enseignants  à tourner  le  dos  au  FOS.  Alors,  il  faut  tenir  compte  d'un  principe  important  du  FOS:  le concepteur ne doit pas nécessairement maîtriser la spécialité du contenu parce que ce n'est pas sa  mission.  Celle-ci  consiste  à  préparer  ses  apprenants  à  faire  face  aux  situations communicatives  prévues  à  travers  des  activités  langagières.  Mais  il  faut  que  le  concepteur passe par une étape de familiarisation avec la spécialité professionnelle en vue d’en connaître les  grandes  lignes,  la  structure,  le  fonctionnement,  les  acteurs,  les  situations  d’usages,  le lexique récurrent, etc. Cette étape a pour objectif d'aider le concepteur dans l’élaboration des cours. Pour ce faire, le concepteur peut contacter des spécialistes, lire ses revues spécialisées, consulter des sites Internet, assister aux colloques ou aux conférences dans le domaine visé et enfin se rendre dans les lieux des situations de communications prévues. 

 

4. 2. 4. La collecte des ressources nécessaires pour l'élaboration des cours

        Le concepteur se trouve souvent face à un nouveau domaine par rapport à sa formation. Ce problème est lié à la difficulté précédente. Alors, il doit entamer une collecte de ressources dans le domaine visé. Une telle collecte exige de sa part beaucoup de temps et d'efforts. Il doit souvent se déplacer pour visiter les lieux d’usages des pratiques professionnelles visées. Il a besoin aussi de prendre rendez-vous avec des spécialistes dans le domaine concerné en vue d'enregistrer des interviews. Vu que les spécialistes ne sont pas souvent disponibles, beaucoup de concepteurs se plaignent de la difficulté de la collecte de ressources.

 

4. 2. 5.  L'évolution des besoins des apprenants lors de la formation

Le concepteur des programmes constate parfois un changement d’attentes des apprenants au cours de la formation. Ces derniers demandent d'aborder de nouveaux thèmes spécialisés qui n'étaient pas prévus par le concepteur avant la formation. Une telle situation l'oblige à revoir le contenu de ses cours. Alors, il abandonne parfois des cours déjà préparés tout en cherchant de  nouvelles  ressources  en  vue  d'élaborer  d'autres  cours  sur  les  thèmes  demandés  par  ses apprenants. Certes, il est difficile pour le concepteur de changer ses cours ou de les modifier mais il doit se montrer souple vis-à-vis des attentes que peuvent exprimer ses apprenants afin de réaliser les résultats escomptés. Force est de constater que l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) facilite le changement de ressources voir la modification du scénario pédagogique envisagé/proposé en ligne pour suivre l’évolution des besoins des apprenants.

 



[1]  D’après Hani Qotb[1]. (2009). « Enseignement/apprentissage du FOS : défis et perspectives », Les cahiers du GERES, Editeur Groupe d’Etude et de Recherche en Espagnol de Spécialité (GERES). hal-02051733. 

QOTB, H a aussi réalisé une thèse sur le FOS en (2008) intitulé : Vers une didactique du français sur objectifs spécifiques médié par internet. [Université Montpellier-3- Paul VALÉRY]  

 

 

Modifié le: Sunday 19 December 2021, 09:36