La poésie et le genre lyrique

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المقرر: ET-HALLAL
كتاب: La poésie et le genre lyrique
طبع بواسطة: Visiteur anonyme
التاريخ: Sunday، 19 May 2024، 2:40 AM

1. Un genre incertain

Il faut reconnaître, même si cela peut être un peu décevant, que selon la théorie littéraire, la poésie n'est pas un genre à proprement parler. Dans "La Poétique" d'Aristote, ouvrage fondamental pour toute réflexion sur les genres, il n'existe pas de description détaillée d'une forme spécifique qui serait, comme le sont la narration et le théâtre, symétrique à ce que nous appelons aujourd'hui "poésie". Cette ambiguïté est encore renforcée lorsqu'on examine trois éléments qui pourraient, en théorie, définir l'esthétique poétique ou lyrique : l'utilisation du vers, le degré de subjectivité, et le rapport à la fiction.

Recapitulons quelques observations préliminaires avant d'entrer dans une analyse théorique plus approfondie. Ces constatations pourraient être reprises et approfondies ultérieurement :
 
• Le genre poétique n’a pas, dans les textes fondateurs de la théorie littéraire, de statut distinct qui le placerait au même niveau que les genres narratif ou dramatique.

• La notion de « lyrisme » a été utilisée pour donner à la poésie une consistance « générique ». Elle implique un mode d’énonciation où le poète s'exprime en son propre nom, une thématique centrée sur l'expression de ses sentiments personnels, et une pragmatique qui suggère que le message du poète est reçu comme une sorte de confidence.

• Les critères formels, notamment la versification, n’offrent pas, du moins à l’origine, de base solide pour définir le « genre poétique ».

• Les critères de subjectivité et de non-fiction, bien qu'ils contribuent à décrire l'essence de l'écriture poétique, ne suffisent pas, à eux seuls, à constituer une catégorie homogène.

2. Définition

Si l’on s’en remet aux dictionnaires, nous verrons que le mot « poésie » peut recouvrir deux réalités dont une seule concerne notre propos. Ainsi chez Littré :

Poésie : 1. Art de faire des ouvrages en vers. 2. Il se dit des différents types de poèmes et des différentes matières traitées en vers. 3. Qualités qui caractérisent les bons vers, et qui peuvent se trouver ailleurs que dans les vers. 4. Se dit de tout ce qu'il y a d'élevé, de touchant, dans une œuvre d'art, dans le caractère ou la beauté d'une personne, et même d'une production naturelle.

3. Les composantes traditionnelles

Bien que ces définitions ne permettent pas d'identifier de manière absolue la poésie dans toute sa diversité, elles offrent un point de départ pour dégager certaines caractéristiques esthétiques. Voici quatre critères à considérer :

### Le vers
L'un des aspects les plus reconnaissables de la poésie est l'utilisation du vers. Cette structure impose une organisation à deux niveaux : métrique, définie par la longueur du vers, et rythmique, déterminée par l'agencement des sonorités et l'usage de la rime. Bien que l'analyse approfondie de la versification dépasse notre cadre, il est utile de rappeler que cette contrainte peut stimuler la créativité.

### L'image
La poésie, comme les autres formes littéraires, utilise des figures de style telles que les comparaisons, métaphores et métonymies pour représenter la réalité de manière oblique. L'analogie, souvent audacieuse, permet de transformer un langage prosaïque en langage poétique, riche en connotations. L'importance de l'image est soulignée par Horace avec sa formule "Ut pictura poesis" ("La poésie est comme la peinture") et par Aristote dans la Poétique, où il vante les mérites de la métaphore et des figures d’analogie.

### La prosodie
La relation entre la poésie et la musique est ancienne et bien documentée. Des figures légendaires comme Orphée, dont le chant accompagnait la lyre, rappellent cette affinité. Le Moyen Âge et la Renaissance voyaient le vers comme destiné à être déclamé ou chanté, souvent avec un accompagnement musical. Ronsard insistait sur l'importance de la musique pour la poésie, et Verlaine, dans son Art poétique, soulignait que la musicalité est essentielle : "De la musique avant toute chose." La musicalité est donc un élément clé du langage poétique.

### L'intransitivité
Contrairement au langage ordinaire qui vise à transmettre un message, le texte poétique a souvent sa propre finalité intrinsèque. Roman Jakobson parle de "fonction poétique" pour désigner cette caractéristique où le message est centré sur lui-même. Cette fonction se manifeste dans la poésie comme un travail sur le langage, où la communication n'est pas nécessairement l'objectif principal. Pour Valéry, la poésie est comparable à la danse : elle ne va nulle part, mais permet une infinité de créations, contrairement à la marche, qui a un but précis. Cette intransitivité contribue à la singularité du langage poétique.

4. La poésie lyrique et élégiaque

Si, pour les raisons évoquées, nous laissons de côté les poésies épiques et dramatiques, le genre poétique se réduit alors presque exclusivement à celui qui répond aux caractéristiques typiques de la poésie, c’est-à-dire le lyrisme. Ce sous-genre semble concorder avec les propriétés principales de la poésie et pourrait être considéré comme le pendant des deux grandes familles littéraires, la dramatique et la narrative.

### Le lyrisme
À l’origine, la poésie était destinée à être chantée, souvent accompagnée d'une lyre, d’où le terme « lyrisme ». La figure légendaire d’Orphée, qui aurait inventé la cithare, symbolise cet aspect musical de la poésie, capable de charmer même la nature.

Le lyrisme, au sens moderne, est défini comme l’expression personnelle d’une émotion exprimée par des voies rythmiques et musicales. Le lien avec le chant n’est pas totalement rompu, comme le suggère la célèbre phrase de Valéry : « Le lyrisme est le développement d’un cri » (Tel quel, 1941). Mais le lyrisme comporte également une autre caractéristique : il émane d’un « je » – que le romantisme a souvent identifié au poète lui-même, bien que ce « je » puisse parfois s’effacer derrière un personnage. Par exemple, Olympio représente la voix de Hugo (Tristesse d’Olympio), tandis que le « tu » de Zone chez Apollinaire est un aspect du « moi » (Alcools).

Le lien avec le chant ou le cri, ainsi que le contenu personnel et intime, deux traits dominants du texte lyrique, entraînent l'utilisation de structures rythmées, parfois incantatoires, et de figures exaltantes ou majestueuses, souvent associées à un vocabulaire symbolique et raffiné. Le vers et les formes poétiques fixes (comme le sonnet) sont des formats privilégiés pour le lyrisme. Les thèmes récurrents incluent les sentiments individuels profonds comme l'amour malheureux, la souffrance, la tristesse, la mélancolie, voire parfois la joie ou l’enthousiasme. Ces tonalités poétiques ont déjà émergé au Moyen Âge avec des poètes comme Rutebeuf, Charles d’Orléans, et Villon, puis ont dominé le genre poétique à partir de la Renaissance.

### L'élégie
La poésie élégiaque est une extension du lyrisme avec des caractéristiques plus codifiées. Le terme vient du grec "élegia", signifiant "chant de deuil". Si l’Antiquité associait ce mot à une forme métrique particulière (le distique élégiaque, un hexamètre suivi d'un pentamètre), la Renaissance a réorienté le terme vers des œuvres poétiques qui expriment des sentiments tristes ou douloureux.