Aperçu historique

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Cours: Initiation aux Langues de Spécialité
Livre: Aperçu historique
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: Saturday 23 November 2024, 19:53

Description

La langue de spécialité n’est pas une notion émergée de nulle part. Elle est le résultat de recherches et travaux en didactiques des langues visant à répondre aux besoins d’apprentissage d’un public adulte universitaire ou professionnel spécialisé dans un domaine scientifique ou technique. Cette réflexion a évolué au fil du temps suivant des appellations différentes en variant contenus et méthodes. Pour mieux cerner la notion de langue de spécialité, il est donc nécessaire de retracer son évolution historique.

1. Le français scientifique et technique (FST)

Le FST constitue la première appellation visant à enseigner le français de spécialité, autrement dit, le français non général. Cette émergence à partir de la fin des années 50 est très fortement liée à une volonté politique du ministère des affaires étrangères (MAE) confronté à la poussé de l’anglais notamment dans les anciennes colonies. « La désignation FST résulte d’une décision politique datant de la fin des années 1950, prise dans un contexte de défense des intérêts économiques de la France, de son influence géopolitique (en particulier dans les pays en voie de développement, dont les ex colonies françaises » (Holtzer, 2004 : 15).

Le FST s’inscrit dans une perspective terminologique dans la mesure où l’accent est mis sur l’enseignement apprentissage du lexique comme moyen d’entrée centrale dans la spécialité. Il prend comme cadre les méthodologies structuralistes mettant l’accent sur le contenu notamment les méthodologies SGAV qui s’appuient sur le français fondamental. Le FST a donné lieu à plusieurs recherches qui ont conduit à la publication d’ouvrages comme « Le vocabulaire général d’orientation scientifique » de Phal publié en 1971 et le Français scientifique et technique, Vocabulaire d'initiation aux études agronomiques ; Vocabulaire d'initiation à la critique et à l'explication littéraire ; Vocabulaire d'initiation à la vie politique ; Vocabulaire d'initiation à la géologie. Les instigateurs de ce type d’enseignement présentent d’abord un vocabulaire scientifique commun à toutes les spécialités pour les étudiants désirant poursuivre des études spécialisées puis un vocabulaire dans la spécialité.

Le postulat des chercheur est le suivant : de la même manière on a réussi à dégager le français fondamental d’un corpus de langue parlée on pourra dégager le VGOS d’un corpus de textes scientifiques.

 

Dans le cas du FST basé sur les méthodologies SGAV, on distingue un enseignement apprentissage du français à trois niveaux :

  • Niveau I : les bases de la langue usuelle
  • Niveau II : le français de tronc commun scientifique VGOS (Vocabulaire Général d’Orientation Scientifique),
  • Niveau III (perfectionnement) : vocabulaire d’initiation par discipline : VGOM (Vocabulaire Général d’Orientation Médicale, VIEM (Vocabulaire d’Initiation aux Etudes Agronomiques…

La perspective terminologique adoptée par le FST va progressivement céder la place à une perspective discursive. En effet, à partir des années 70, des études se sont intéressées au discours spécialisé et ont tenté de mettre en évidence les spécificités du discours scientifique.

2. Le français de spécialité (FS) :

Le français de spécialité constitue la première méthode de français à des publics scientifiques dans une perspective universitaire ou professionnelle. Ces méthodes, comme leur nom l’indique mettent l’accent sur une spécialité (français médical, français juridique, …) ou sur un domaine professionnel (tourisme, affaires, banques, …). Pour remédier à l’étroitesse de la notion de langue de spécialité mettant l’accent sur le lexique et certaines tournures grammaticales, on parle désormais de langues spécialisées.

Mais cette appellation ne tardera pas à être victime de sa largeur en raison de la largeur des domaines de spécialité et de l’incapacité de la notion à tout rassembler sous la même étiquette. « LSP pose en effet de nombreux problèmes en raison de la multiplicité des catégories de langues regroupées sous cette étiquette. On a l’image d’un champ  éclaté, aux limites de plus en plus floues et aux découpages internes incertains. » (Holtzer, 2004). Le français de spécialité montre ses limites aussi devant la distinction sur le plan linguistique de certains domaines très proches (économie/affaires) et la distinction entre la langue de spécialité et la langue générale. L’appellation français de spécialité finira donc par être remise en cause.

3. Le français instrumental :

L’appellation « français instrumental » va connaître très peu de succès en France en raison de ses connotations technicistes. Elle connaitra un plus grand succès en Amérique latine où elle est utilisée dans un but précis. Selon Holtzer, le français instrumental est défini comme un type d’enseignement fonctionnel du français. Cet enseignement est destiné à un public universitaire précis, circonscrit à une activité précise (lire la documentation par exemple), limité à des objectifs précis (l’accès à l’information scientifique dans des spécialités universitaires où la documentation n’est disponible qu’en français).

La perspective instrumentale d’enseignement du FLE a ouvert un champs de recherche fécond sur la lecture de textes spécialisés. Elle a aussi ouvert la voie à la réflexion sur la compréhension des textes en langue étrangère et sur les techniques d’approche des textes. Mais l’appellation français instrumental va très vite céder la place à celle de français fonctionnel.

4. Le français fonctionnel :

Cette appellation est apparue au milieu des années 70 dans un contexte de crise économique (choc pétrolier) et de grandes évolutions didactiques. Ce type d’enseignement est destiné à des boursiers du gouvernement français. La nature serrée des budgets incite le gouvernement à encourager un enseignement plus ciblé du français. Le français fonctionnel « ne saurait se caractériser d’abord en termes de contenus et d’inventaires linguistiques, mais bien par rapport à des publics précisés et à leurs objectifs d’utilisation fonctionnelle (c’est-à-dire opératoire) de l’instrument linguistique qu’ils entendent acquérir » (DDL, 1976 : 231).

Le français fonctionnel est basé sur :

ü  Une approche fonctionnelle d’enseignement du français

ü  La prise en compte de la diversité des publics et de leurs besoins

ü  La définition des objectifs suivant les besoins comme préalable à l’élaboration de tout programme d’enseignement débouchant sur l’évaluation.

Ce type d’enseignement a lui aussi connu une grande mutation et l’appellation est passée du français fonctionnel à l’enseignement fonctionnel du français. « En fait, il ne s’agit pas d’un français fonctionnel, mais d’un enseignement fonctionnel du français » (Porcher, 1976 : 68). Cette sentence va renforcer l’ambiguïté déjà existante. En effet, l’expression français fonctionnel […] n’a pas grand sens en termes didactiques,  contrairement à l’expression enseignement fonctionnel du français : par delà les différences de publics et de contenus, est fonctionnel tout enseignement mettant en œuvre des pratiques qui sont en adéquation avec les objectifs assignés […] Il n’y a donc pas de langages, et encore moins de langues, fonctionnels, mais des enseignements plus ou moins fonctionnels de tel ou tel aspect langagier dans telle ou telle situation. (Lehmann, 1993 : 99).

L’expression le français fonctionnel ne va pas survivre aux attaques des didacticiens. Elle va disparaitre au début des années 80 pour céder la place à celle d’enseignements fonctionnel du français. Il est à noter toutefois que « le FF a contribué à diffuser une méthodologie articulée sur la notion de besoins, dont le principe central est l’adaptation au public et à la situation d’enseignement/apprentissage » (Holtzer, 2004 : 12). Le français fonctionnel est donc à l’origine du concept de besoin utilisé aujourd’hui dans beaucoup de contextes : besoins d’apprentissages, besoins langagiers, besoins cognitifs, …. Il deviendra l’un des concepts fondamentaux des approches communicatives.

5. Le français sur objectifs spécifiques :

La notion de FOS voit le jour dans les années 80. Elle est calquée sur l’expression anglaise "English for Special Purposes" (ESP) initiée par Hutchinson T. , Waters A. la méthodologie du FOS est principalement centrée sur l’apprenant qui constitue le point de départ de toute activité pédagogique. Elle consiste à analyser les besoins des apprenants pour les traduire par la suite en objectifs.

La problématique principale du FOS réside dans certains aspects : il s’agit d’un public universitaire ou professionnel désirant apprendre du français dans un temps limité pour répondre à un besoin à la fois précis et immédiat.

Selon Holtzer, il s’agit d’ « un faux objectif neuf » dans la mesure où le FOS résulte de près d’un demi siècle de réflexion l’enseignement apprentissage du français à usage non général. Diverses expressions se sont succédé pour désigner quasiment la même notion : « les termes « français fonctionnel », « français de spécialité », « français sur objectif(s) spécifique(s) » sont différents noms de baptême pour une même notion ». Ainsi, le FOS s’inspire du français fonctionnel en valorisant les objectifs et du français langue de spécialité en s’intéressant à un domaine particulier.

La distinction entre les deux concepts revient toutefois à J-M Mangiante et C. Parpette (2004 :17), distinction présentée sous forme synthétique dans le tableau ci-dessous :

 

français de spécialité

FOS

Ancré dans une spécialité ou un champ professionnel

Couvre toutes les situations, que celles-ci soient ancrées ou non dans une spécialité

Logique de l’offre

Logique de la demande

Approche globale d’une discipline ou branche professionnelle

Approche au cas par cas

Public large

Public précis en fonction des domaines et des besoins

 

Mais les deux auteurs soulignent qu’« il n’y a bien évidemment pas de frontière rigide entre le Français de Spécialité et le FOS. » (J-M Mangiante et C. Parpette, 2004 : 18).